Le Groenland, angoissant thermomètre de la planète

Les scientifiques se pressent dans cette île-continent pour tenter de comprendre comment et pourquoi tous les glaciers du monde disparaissent dans les mers.

Claude-Marie Vadrot  • 5 juillet 2019
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Le Groenland, angoissant thermomètre de la planète
photo : à Chamonix, la Mer de Glace perd chaque année du terrain.
© EMRAH OPRUKCU / NURPHOTO

Dans le livre The Ice at the End of the World (éd. Randome House), paru le mois dernier aux États-Unis, le journaliste scientifique Jon Gertner explore la courte saga humaine et la longue histoire géologique du Groenland. La neige s’y est parfois accumulée sur plus de 3000 mètres d’épaisseur, appuyée sur un socle continental dont à peine un quart de la surface est sans neige chaque année dans le Sud, en période estivale. Cela explique que cette île-continent dépendant au Danemark ne soit peuplée que d’une soixantaine de milliers d’habitants. Les scientifiques sont en revanche de plus en plus nombreux à fréquenter cet immense désert glacé et à y forer des milliers de trous pour percer les mystères de l’évolution du climat. Ils ont sorti ce pays de l’anonymat dans l’espoir de pouvoir répondre à la question qui les hante : à quel rythme la planète se réchauffe-t-elle ?

La grande inondation qui vient…

La réponse à cette angoisse transforme le gros livre de Jon Gertner en un récit d’une catastrophe annoncée : si les milliards de tonnes de glaces continuent de fondre dans la mer, celle-ci va monter en forçant plusieurs centaines de millions d’êtres humains à fuir leurs lieux de vie inondés. Le Groenland est devenu le thermomètre et l’observatoire de la planète en surchauffe.

Car ce livre souligne une réalité : ce n’est pas la fonte ou la disparition des banquises qui va alimenter la montée des eaux des mers, puisque les eaux gelées en sont déjà partie intégrante. Ce que redoutent les glaciologues et de climatologues, c’est la disparition des glaciers juchés sur les terres ou perchés dans les montagnes. L’eau accumulée sur le Groenland est en train de rejoindre aussi bien les ruissellements des zones alpines que les rivières d’eaux de fonte qui s’écoulent chaque été de l’Himalaya, de la cordillère des Andes, ou des Rocheuses ; sous l’influence du réchauffement moyen de l’atmosphère que nul ne parvient à maîtriser. Aucune partie de la planète, expliquent tous les rapports et toutes les études, n’échappe à ce lent écoulement des glaces accumulées vers les mers. Il suffit de mesurer chaque année le recul de Mer de Glace dans les Alpes, ou « l’érosion » du mont Blanc. Car on mesure de mieux en mieux le phénomène sans identifier un seul remède.

Ce pôle Sud qui fond aussi

Les dangers de la plus rapide montée des niveaux des océans et de la submersion des pays plats ou des effondrements de falaises deviennent d’autant plus angoissants pour des millions de gens que les scientifiques ont découvert que les glaciers de l’Antarctique fondaient également. Les relevés satellites centralisés par une climatologue de la NASA, Claire Parkinson, viennent de révéler que les glaciers du pôle Sud avaient brusquement commencé à fondre il y a cinq ans, alors qu’ils étaient considérés comme stables en dépit des pics de température pouvant atteindre une quinzaine de degrés au dessus de zéro. Les climatologues se perdent en conjectures, mais comme leurs confrères il y a une vingtaine d’années, ils ont remarqué que de nombreux courants d’eau plus chaude s’infiltraient de plus en plus loin sous les glaciers. Comme ceux-ci couvrent une superficie de 14 millions de kilomètres carrés avec une profondeur qui dépasse fréquemment 2 000 mètres, il y dans cette région largement de quoi faire grimper d’un ou deux mètres le niveau des océans. D’ailleurs, aux États-Unis comme dans tous les pays bordant les mers, les armées ont commencé le recensement de leurs bases menacées et l’Unesco le décompte des monuments historiques susceptibles d’être lentement submergés.

Écologie
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