Est-ce qu’il n’y a pas un mot pour ça ?

Le chef de l’État a pris la pose avec un T-shirt dénonçant les mêmes violences policières qu’il autorise depuis le début de son quiquennat.

Sébastien Fontenelle  • 5 février 2020
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Est-ce qu’il n’y a pas un mot pour ça ?
© JOEL SAGET / AFP

Emmanuel Macron ? Ce sont les syndicats de policiers qui en parlent le mieux (1).

La semaine dernière, dans l’un de ces moments proprement stupéfiants auxquels se réduit désormais l’essentiel de sa présidence (2), le chef de l’État français a, depuis Angoulême, où il était allé honorer de sa présence le Festival international de la bande dessinée, pris la pose, pour un selfie, avec un T-shirt dénonçant les mêmes violences policières qu’il autorise et encourage depuis le début de son quinquennat et dont le monde entier s’effraie – l’ONU elle-même s’en est alarmée –, mais dont lui continue, en orwellien de stricte obédience, de nier la réalité (après avoir juré lorsqu’il était candidat qu’elles lui étaient insupportables).

Voyant cela, le secrétaire général de l’un desdits syndicats a déclaré qu’il ressentait cet ahurissant happening comme « une marque de défiance et de mépris » d’Emmanuel Macron « à l’égard de ceux qui lui ont permis d’être encore président », cependant que le responsable d’une autre de ces organisations assurait quant à lui que « la police et la gendarmerie sont les derniers remparts de la République » macroniste.

Or, il y a peu, rappelons-nous – on s’en parlait ici même la semaine dernière –, M. Macron, qui depuis son élection a si méchamment traité ses administré·es qu’il ne peut plus même aller au théâtre sans être pris à partie par des victimes de ses brutalités politiques et sociales (3), nous contestait rageusement le droit de nommer pour ce qu’il est son autoritarisme, et lançait, pour fermer le ban : « Essayez la dictature, et vous verrez ! »

Mais quand arrive le moment où même les représentants des légions qui le protègent contre ces ressentiments populaires constatent – non sans justesse – que son quinquennat, aujourd’hui, ne tient que par cette protection, la question qui se pose est évidemment la suivante : est-ce qu’il n’y a pas un mot, dans le vocabulaire commun, pour désigner les régimes qui ne règnent plus que par la répression policière ?

(1) L’honnêteté commande cependant de reconnaître que le syndicat des patrons fait lui aussi de louables efforts : la semaine dernière (et cela est passé trop inaperçu), le Medef a en effet signifié au président de la République que sa réforme des retraites lui était à lui aussi odieuse, et lui a réclamé « le maintien de la retraite par répartition pour les hauts salaires » – qui sans cela souffriraient, après une vie de labeur, presque autant que les smicard·es.

(2) Et dont on ne sait plus exactement s’ils relèvent seulement de son ahurissante arrogance, ou s’il se mélange aussi d’autres pathologies.

(3) La toute dernière en date, au jour où ces lignes sont écrites, culmine dans l’abjection à des hauteurs rarement atteintes, puisque le gouvernement (avant, tout de même, de se raviser et de plaider l’« erreur » d’appréciation) a refusé, au motif que cela léserait les entreprises, de porter de cinq à douze jours le congé suivant la perte d’un enfant.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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