Une planète qui bascule

Plus encore que le réchauffement climatique, les limites planétaires, peu connues, constituent des indicateurs du caractère systémique des dégradations écologiques et invitent à repenser nos modèles, à l’heure de la COP 27.

Vanina Delmas  • 9 novembre 2022 abonné·es
Une planète qui bascule
© Une épaissse brume de pollution enveloppe Rashtrapati Bhavan, la résidence présidentielle indienne, à New Delhi le 3 novembre dernier. (Photo : Mayank Makhija / NurPhoto / NurPhoto via AFP.)

En 1972, le rapport intitulé « Les limites à la croissance » – plus connu sous le nom de « rapport Meadows » – alertait déjà sur la finitude des ressources terrestres. À la demande du Club de Rome, une équipe de scientifiques du Massachusetts Institute of Technology (MIT) – dont Dennis et Donella H. Meadows – modélisa les impacts de l’activité humaine sur la planète afin de visualiser les différents scénarios d’une croissance physique exponentielle dans un monde fini.

Sa conclusion était limpide : il ne peut y avoir de croissance infinie dans un monde aux ressources limitées. L’écho de ce rapport a été très important et a suscité de nombreuses critiques – de la part des élites politiques, mais aussi de certains économistes, sur la méthodologie, sur la fiabilité des données de l’étude et, surtout, sur les potentielles conséquences de ses conclusions.

Lire aussi > Éco-anxiété : tempête dans les têtes

L’année suivante, le premier choc pétrolier tend à confirmer que les énergies fossiles sont limitées, mais la foi en de nouveaux gisements et de nouvelles technologies aveugle toujours la planète. Cinquante ans plus tard, le rapport Meadows est devenu une référence théorique, mais n’a pas servi de détonateur pour les décideurs politiques.

« N’importe lequel des systèmes de gouvernance pourrait potentiellement créer un meilleur avenir pour l’humanité si seulement il s’intéressait à l’équité, à l’environnement, à la résilience et au bien-être […]. Il y a cinquante ans, je pensais naïvement que notre rapport motiverait les dirigeants à adopter une vision à plus long terme. Il a échoué sur ce point », confie Dennis Meadows dans la préface de la nouvelle version du rapport (1).

Points de bascule

Pourtant, leur scénario du business as usual semble se confirmer au cours des dernières décennies, et les limites planétaires censées sonner une ultime alarme sont franchies les unes après les autres, dans une sorte d’apathie générale.

En 2009 a lieu une nouvelle tentative de donner un indicateur inédit pour alerter les dirigeants sur la nécessité d’agir en créant le cadre des limites planétaires.

Des scientifiques du Stockholm Resilience Center ont quantifié les risques liés aux perturbations anthropiques et identifié neuf paramètres vitaux, avec des seuils à ne pas franchir pour préserver l’écosystème terrestre : climat, biodiversité, ozone stratosphérique, cycles biochimiques, eaux douces, acidité de l’océan, utilisation des terres, aérosols dans l’atmosphère et « entités nouvelles ».

Quatre de ces limites planétaires, et pas des moindres, sont dépassées depuis 2015 : celles du changement climatique, de l’érosion de la biodiversité, de la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore, ainsi que le changement rapide d’usage des sols. Cette année, de nouvelles données révèlent que le cycle de l’eau, plus particulièrement l’eau verte qui est absorbée par les végétaux et contenue dans l’eau douce, a atteint un seuil inédit.

Lire aussi > Il n'y a plus d'eau de pluie potable sur Terre

Et pour la première fois, des chercheurs européens ont évalué la quantité d’« entités

Envie de terminer cet article ? Nous vous l’offrons !

Il vous suffit de vous inscrire à notre newsletter hebdomadaire :

Vous préférez nous soutenir directement ?
Déjà abonné ?
(mot de passe oublié ?)
Écologie
Publié dans le dossier
L'humanité dépasse les bornes
Temps de lecture : 10 minutes

Pour aller plus loin…

Les batailles de l’arbre bourgeonnent en France
Luttes 27 septembre 2023 abonné·es

Les batailles de l’arbre bourgeonnent en France

Partout dans le pays, des collectifs se créent pour défendre platanes ou marronniers en milieu urbain, toujours menacés par des projets d’aménagement du territoire déconnectés des enjeux climatiques.
Par Vanina Delmas
« La question de la confiance dans la science est peut-être déjà dépassée »
Entretien 20 septembre 2023 libéré

« La question de la confiance dans la science est peut-être déjà dépassée »

L’historienne et philosophe Bernadette Bensaude-Vincent, autrice avec le philosophe Gabriel Dorthe d’un essai sur la montée de l’irrationalité et la perte de confiance dans la communauté scientifique, interroge le rôle de la science face au climatoscepticisme et au complotisme.
Par François Rulier
« L’objectif des climatosceptiques est de semer le doute »
Entretiens 20 septembre 2023 abonné·es

« L’objectif des climatosceptiques est de semer le doute »

« Arrêtons de croire que ce sont juste des gens qui doutent sur la science. » Jean Jouzel, paléoclimatologue et Camille Étienne, activiste écologiste, livrent leur analyse sur la poussée du climatoscepticisme.
Par Vanina Delmas
Climatosceptiques et toxiques
Enquête 20 septembre 2023 libéré

Climatosceptiques et toxiques

Plus l’urgence climatique est visible et les catastrophes dramatiques, plus les voix remettant en question les causes humaines du dérèglement retrouvent du souffle. En France, les climatosceptiques n’ont pas désarmé : ils ont renouvelé leur arsenal, et leur objectif reste le même : répandre le trouble par tous les moyens. Décryptage.
Par Vanina Delmas