Blocage de l’AG de Total : deux militantes déposent plainte pour violence policière

Suite à la répression policière du blocage de l’assemblée générale de Total vendredi 26 mai, deux militantes d’Alternatiba Paris ont saisi l’IGPN ce lundi. L’avocate des cinq gardés à vue après l’action dénonce également la répression judiciaire des activistes.

Rose-Amélie Bécel  • 30 mai 2023
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Blocage de l’AG de Total : deux militantes déposent plainte pour violence policière
Ce 30 mai, Murielle (à gauche) et Hélène (à droite), ont déposé plainte auprès de l'IGPN. Elles dénoncent des violences policières subies lors du blocage de l'AG de Total, vendredi dernier.
© Basile Mesré-Barjon/Alternatiba Paris.

Vendredi 26 mai, Murielle et Hélène faisaient partie des premiers militants aux abords de la salle Pleyel à Paris, arrivés dès 6 heures du matin pour empêcher la tenue de l’assemblée générale de Total. Bloquées par un cordon de policiers formé dans une étroite rue au plus près du lieu de réunion des actionnaires, les deux femmes et des dizaines d’autres militants ont été évacués une première fois à coups de gaz lacrymogène.

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Ce lundi 30 mai, alors qu’elle s’apprête à saisir l’IGPN suite aux violences subies et à déposer plainte par ailleurs, Hélène est encore sous le choc et peine à marcher en raison de blessures aux genoux : « Avec Murielle, nous étions dans le premier groupe passé par les forces de l’ordre. J’ai d’abord reçu une vague de gazeuse à main, j’ai eu l’impression que je n’allais plus jamais réussir à respirer ».

Les violences des forces de l’ordre face à cette action non-violente étaient disproportionnées.

À ses côtés, Murielle poursuit le récit des événements : « Une grenade lacrymogène a été dégoupillée juste devant nous, j’ai caché ma tête pour gagner quelques secondes de respiration, j’entendais des appels à l’aide. C’était inconscient de lâcher une grenade à ce moment, normalement elles sont faites pour disperser, pas pour être utilisées dans une nasse. »

C’est notamment sur cet usage jugé disproportionné de gaz lacrymogènes que les plaintes – pour violence en réunion avec arme pour personne dépositaire de l’autorité publique, atteinte à la liberté de manifester et non assistance à personne en danger – des deux femmes s’appuient. « Les violences des forces de l’ordre face à cette action non-violente étaient disproportionnées. Aucun fait ne peut justifier l’usage de gaz lacrymogène sur des militants simplement assis au sol », explique Arié Alimi, l’avocat des deux activistes.

Accusé de vol… pour une serviette en papier ?

Au total, cinq participants au blocage ont été arrêtés suite à l’action de vendredi. Le premier, un jeune militant de Greenpeace France, a été relâché sans poursuite après 8 heures de garde à vue. « Il était accusé de vol avec effraction, mais personne n’a pu nous renseigner sur l’objet de ce vol. On en vient à se demander s’il n’était pas accusé d’avoir dérobé la serviette en papier dont il s’est servi dans un bar pour s’essuyer les yeux après s’être fait gazer », s’interroge Chloé Saynac, avocate chargée d’assister les activistes pendant leur garde à vue.

AG Total Alternatiba plainte IGPN
Avant de déposer leur plainte, les militants d’Alternatiba Paris ont organisé une prise de parole. La députée Nupes Alma Dufour (à gauche) était présente, accompagnée de l’avocate des cinq gardés à vue Chloé Saynac (au centre).

Deux autres militants, un homme et une femme membres d’Alternatiba Paris, ont écopé d’un rappel à la loi après avoir refusé de se soumettre à un prélèvement d’ADN, une technique « de plus en plus utilisée pour ficher massivement les manifestants », selon Chloé Saynac. Après une garde à vue de 48 heures, tous deux échappent ainsi à un procès à condition de verser une amende de 450 euros pour l’une et de réaliser un stage de citoyenneté pour l’autre.

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Pour Damien et Maxime, également membres d’Alternatiba Paris, l’issue de cette garde à vue de 48 heures est tout autre. Ils seront jugés en novembre (à ce jour, la date du procès n’est pas encore connue), pour violence sur personne dépositaire de l’autorité publique.

Les policiers précisent eux-mêmes qu’ils ne peuvent pas témoigner de faits de violence.

Après avoir été arrêté pour quatre motifs différents – outrage, rébellion, participation à un groupement en vue de commettre des violences et organisation d’une manifestation interdite – Damien sera finalement jugé pour un tout autre chef d’accusation. « Dans le dossier, les policiers précisent eux-mêmes qu’ils ne peuvent pas témoigner de faits de violence de la part de Damien », souligne Chloé Saynac.

« Dès que tu seras seul, tu vas ramasser »

Selon Damien, ce sont d’ailleurs les policiers qui se sont montrés violents à son égard : « Au moment de mon arrestation, je me suis fait plusieurs fois étrangler. J’ai aussi reçu des menaces de violences physiques quand j’étais maintenu au sol, on m’a dit : « Dès que tu seras seul, tu vas ramasser ». »

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Maxime, lui, risque jusqu’à 7 ans de prison car les faits de violence qui lui sont reprochés auraient été commis « avec arme », en l’occurrence avec sa camionnette. Pour permettre l’organisation de prises de parole sur le lieu du blocage, une scène et des micros devaient être installés. L’activiste, qui transportait le matériel dans un pick-up, est accusé d’avoir manqué de renverser un policier, ce que son avocate dément fermement.

Alternatiba Paris annonce que d’autres plaintes d’activistes devraient suivre dans la semaine, notamment à l’encontre d’actionnaires violents et d’agents de sécurité déployés par Total devant la salle Pleyel. Les Amis de la Terre et Attac, deux autres associations organisatrices du blocage, songent également à déposer plainte.

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