Les jeunes de la Nupes mettent la pression sur les aînés

Les organisations de jeunesse PS, LFI, EELV et Génération.s espèrent voir leur programme commun repris par les partis. Quitte à présenter, si nécessaire, leur propre liste unitaire aux européennes, en 2024.

Lucas Sarafian  • 7 septembre 2023 abonné·es
Les jeunes de la Nupes mettent la pression sur les aînés
La conférence de presse des organisations de jeunesse de la Nupes, le 6 septembre 2023, à Paris.
© Jeunes Socialistes

Cet été, certains ont eu des devoirs de vacances particuliers. Pendant deux mois, des groupes thématiques composés de jeunes socialistes, insoumis et écologistes ont bûché sur ce qui semble impossible pour leurs aînés : un programme commun sur la question européenne. « Ça a pris des heures, ça a duré jusque très tard dans la nuit, on mangeait des pizzas à minuit ou 1 heure du matin », raconte Emma Fourreau, coanimatrice des Jeunes insoumis. « Les négociations se sont très bien passées. Tout le monde a été constructif », jure Julien Layan, co-coordinateur national des Jeunes Génération.s. « Dire que ce résultat a été facile à obtenir serait un peu mentir, reconnaît Emma Rafowicz, présidente des Jeunes socialistes. Ce sont des heures de discussion, des nuits parfois, mais du temps qui valait le coup. »

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Résultat ? 47 pages signées par les patrons des partis de jeunesse du PS, EELV, LFI et Génération.s – les Jeunes communistes ne considèrent pas faire partie de la Nupes. Emma Fourreau reste très étonnée : « On est très surpris d’avoir 166 propositions. Au départ, on avait l’objectif d’avoir 10 propositions par thème. » Bifurcation écologique, justice sociale, question démocratique ou accord accueil des exilés. « On nous a expliqué qu’il y avait des désaccords indépassables. On vient de montrer qu’il est possible de discuter et de faire des compromis », avance Julien Layan.

On vient de montrer qu’il est possible de discuter et de faire des compromis.

Julien Layan, Jeunes Génération.s

Au sein de ce programme, de nombreuses idées concernant uniquement la jeunesse, comme la création d’une allocation d’autonomie pour les 18-25 ans ou d’un revenu de solidarité actif (RSA) européen. Mais ils ne s’arrêtent pas là : la facilitation de la mise en place de la semaine de 4 jours à l’échelle de l’Europe, un ISF européen, taxer les superprofits, un plan annuel de 1 000 milliards d’euros investis dans la transition écologique, l’inscription du droit à l’IVG et à la contraception dans la charte des droits fondamentaux de l’UE.

Rencontres et menace de liste à part

Sur l’épineuse question des traités, les orgas se sont entendues sur la remise « en cause des traités de libre-échange » et le refus « d’en signer de nouveaux ». Une prudente synthèse qui contente tout le monde. « Les divergences ne sont que des questions de vocabulaire, évacue l’insoumise Emma Fourreau. Chez les insoumis, on parle de désobéissance aux traités européens. Les écologistes parlent de dérogation de manière transitoire. Mais en discutant, on se rend compte qu’on est tous d’accord. » Ces jeunes n’ont qu’un seul objectif en tête : pousser leurs aînés à se rassembler. « Face à la montée de l’extrême droite et au dérèglement climatique, on a un sentiment d’urgence. On ne réfléchit pas aux calculs politiques », explique Layan. « Dire que partir séparés aux européennes permettrait d’obtenir un siège de plus est inconcevable », critique Fourreau.

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Jeudi 7 septembre au soir, ils ont rencontré les deux coordinateurs de Génération·s, Arash Saeidi et Léa Filoche. «Toutes les initiatives unitaires sont bonnes à prendre. Et celle-ci montre qu’on est capable d’être d’accord sur le fond, c’est le plus important. Elle montre qu’il y a un chemin d’union possible. J’espère que ça va faire bouger les lignes, la gauche n’a pas le luxe de ne pas s’unir», réagit le porte-parole de Génération·s, Romain Jehanin. Côté LFI, les jeunes ont rencontré Manuel Bompard et Manon Aubry : «Ils font la démonstration qu’une liste commune est tout à fait possible. J’espère que leur démarche permettra de convaincre Olivier Faure et Marine Tondelier de la nécessité d’ouvrir enfin une discussion. Nous avons besoin d’une liste commune pour battre la liste macroniste et l’extrême droite, et proposer une alternative au pays », résume Bompard. Un rendez-vous était également inscrit à l’agenda d’Olivier Faure, jeudi 14 septembre. Le premier secrétaire du PS « reste un partisan de l’union, nous confie son entourage. Il ne peut voir que d’un bon œil cette initiative, même si on ne sait pas si elle va faire bouger les lignes. » (*)

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Article mis à jour le 12 septembre 2023.

« Les invitations ont aussi été lancées à EELV et au PCF, mais on ne sait pas si cela va aboutir à quelque chose », concède Emma Fourreau. « Avec l’accord de Faure, cela va mettre un peu plus la pression sur Tondelier », lance un patron d’un parti de jeunesse. Pari réussi. Marine Tondelier recevra finalement une délégation des organisations de jeunesse en présence de… Marie Toussaint, la cheffe de file des écologistes aux européennes. Enfin, côté PCF, aucun rendez-vous n’a été fixé.

Les jeunes sont prêts à faire ce que les autres ne veulent pas faire.

Emma Foureau, Jeunes insousmis.

Mais une petite idée trotte dans la tête de certains : la constitution d’une liste réunissant les organisations de jeunesse de gauche. « Mener une campagne ensemble, nous savons le faire. Avoir un programme et surmonter nos divergences, c’est fait également. Alors pour déverrouiller la situation, que manque-t-il ? Une liste commune, développe Aurélien Le Coq, coanimateur des Jeunes insoumis. S’il fallait aider à constituer une liste, nous serions en capacité de le faire. Et si, par exemple, construire une liste des jeunes de la Nupes permettait de régler le problème, je pense qu’on y arriverait. » Un plan B en forme de coup de pression ? « Il ne faut se fermer aucune porte, même si notre objectif reste le rassemblement de la Nupes », répond Layan. « Les jeunes sont prêts à faire ce que les autres ne veulent pas faire », renchérit Fourreau. Le message a le mérite d’être clair.

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