Européennes : la Nupes sous tension
Si les insoumis et, plus timidement, les socialistes croient encore au rassemblement en 2024, les écologistes et les communistes ont clos le débat. Face à l’extrême droite et au bloc libéral, la coalition des gauches est en phase de dislocation.
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© Ludovic MARIN / Samuel Boivin / NurPhoto / Thomas SAMSON / Amaury Cornu / Hans Lucas /Alain JOCARD / AFP
En pleine canicule estivale, le député Génération·s Benjamin Lucas ne redoute qu’une seule chose : « l’hiver de la Nupes », ce moment où la coalition des gauches partirait en lambeaux ou exploserait d’un coup. Peut-être même dès le 9 juin 2024, au soir du premier tour des européennes. Pour cet élu des Yvelines, c’est le scénario qui attend la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (Nupes) si elle n’arrive pas à présenter de liste commune pour ce scrutin : « Ensemble, on fera un meilleur score que séparés, parce qu’on pourra créer une dynamique. Les électeurs seront attirés par un bulletin efficace. Aller voter en sachant qu’on va perdre, c’est moins motivant. »
Son discours est loin de faire l’unanimité. Car en ce moment, au sein de l’alliance signée pour les législatives de 2022, deux croyances s’affrontent. D’un côté, les « unionistes » qui estiment qu’une campagne menée en commun serait la seule solution pour élargir l’électorat de gauche. De l’autre, ceux qui brandissent les sondages en expliquant que présenter quatre listes distinctes permettrait de faire élire quelques eurodéputés de plus. Ces deux gauches-là semblent irréconciliables.
Au sein des « pro-union », surtout composés d’insoumis et d’une partie des socialistes, on affirme que le calcul du camp opposé est contre-productif. Le député PS Philippe Brun imagine la situation : « Il y aura une liste du Rassemblement national qui sera très forte, une liste de la majorité présidentielle et quatre ou cinq listes de gauche. Le soir du scrutin, on pourra tous pleurer d’avoir fait 5 ou 6 % parce qu’on aura passé la campagne à se taper dessus et à chasser le même électorat. »
Le soir du scrutin, on pourra tous pleurer d’avoir fait 5 ou 6 %.
Philippe Brun, PS.D’autres estiment que le contexte politique impose la création d’une liste unique. Face aux forces macronistes et d’extrême droite, ils rêvent de construire un bloc social-écologique, selon la classification de Julia Cagé et Thomas Piketty (Une histoire du conflit politique, Seuil). « Une liste Nupes pourrait arriver en tête au soir des européennes. On adresserait un message puissant au pays en pleine crise climatique et face au renforcement de l’extrême droite », espère encore le député insoumis Paul Vannier.
Plusieurs listes, plusieurs eurodéputésLa France insoumise ne cesse de plaider l’union. Mais elle est bien seule. Et l’ultimatum posé par Jean-Luc Mélenchon n’a pas fait bouger les lignes. « Ou bien il y aura une liste d’union. Ou bien il y aura une liste des unitaires », avait mis en garde l’ancien candidat à la présidentielle à l’université d’été de LFI. Hypothèse crédible ou coup de pression sur les partenaires ? « Il tente de refaire le coup de 2022. Il pense qu’en amenant un parti à la table des discussions, les autres vont venir, raconte un député de gauche. Il y a un an, Génération·s a été le premier à signer l’accord, les écolos se sont ensuite sentis obligés de venir, les communistes ne pouvaient pas rester à côté, et, à la fin, les socialistes… » Mais cette fois le PS n’a pas mordu à l’hameçon, même quand Ségolène Royal a proposé sa candidature fin août pour réconcilier tout le monde. Le bureau national du parti a adopté le 5 septembre au soir un texte d’orientation défendant une liste autonome.
Dans le camp de ceux qui militent pour que la gauche soit séparée en 2024, les écologistes et les communistes. « Ce n’est pas parce qu’on additionne les partis qu’on additionne les voix. Selon les sondages, si on veut plus d’eurodéputés contre l’extrême droite et la Macronie, il faut qu’on présente plusieurs listes », avance Hélène Bidard, membre de l’exécutif du PCF, qui espère que son parti, absent au Parlement européen, réussira à faire élire quatre ou cinq communistes. Avec cet objectif en tête, le Parti communiste s’est préparé en choisissant, début juillet, son chef de file, Léon Deffontaines. Et les discussions sur la constitution de la liste sont en cours, notamment avec des associatifs et des eurodéputés sortants comme Emmanuel Maurel, élu en 2019 avec l’étiquette LFI avant de rompre avec le mouvement.
Quel projet européen ?Selon Hélène Bidard, les communistes sont trop éloignés des autres forces de gauche sur le sujet européen : « Aujourd’hui, les eurodéputés ne s’empêchent pas de négocier des politiques d’austérité avec l’UE et accusent Bruxelles lorsqu’ils reviennent en France. Arrêtons ce double jeu, les communistes sont les seuls à s’opposer au modèle économique de l’Europe. » Les écolos déclinent l’argumentaire à leur façon : les Verts sont fédéralistes et ne veulent pas parler de « désobéissance » quand il s’agit des traités européens. Conclusion ? Pas question de se rassembler pour 2024.
« On a toujours été très proeuropéens, c’est dans le nom du parti. Alors on ne va pas commencer à défendre le contraire », évacue Jérémie Iordanoff, député Europe Écologie-Les Verts et négociateur de la Nupes. Un discours qui agace l’insoumis Paul Vannier : « Notre programme signé en 2022, l’initiative des jeunes de la Nupes… Les démonstrations de notre convergence existent. Ces partis bunkérisés et coupés de la réalité politique doivent revenir à la raison. » Réponse de Iordanoff ? « Ne soyons pas surpris. Pendant les négos de la Nupes, la question d’une liste de rassemblement aux européennes n’était pas posée. Tout le monde savait qu’il y aurait une liste écolo. »
Au sein d’EELV, débattre avec les autres n’est donc plus envisageable. Début juillet, les adhérents du parti ont voté à 86 % pour une liste autonome. Avant de désigner leur tête de liste, Marie Toussaint. « Ça a réglé le débat. Chez nous, plus personne n’en parle, lâche
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