Un appel d’offres XXL de 27 millions d’euros pour des grenades de désencerclement
Ce type d’arme, classée comme « matériel de guerre » a déjà été responsable de plusieurs mutilations. Des ONG en réclament le retrait depuis des années.
Ce mardi 19 novembre, un nouvel appel d’offres est apparu sur le bulletin officiel des annonces des marchés publics (Boamp). Son nom, « fourniture de grenades à main de désencerclement pour les forces de police et de gendarmerie », laisse peu de place au doute.
Même si ce n’est pas la première fois que le gouvernement achète ce type de grenades, le montant maximal de cet appel d’offres dépasse largement les précédents. Le 1ᵉʳ mai 2019, des grenades de désencerclement avaient déjà commandées sur quatre ans pour un montant de 1,84 millions d’euros. Ici, il est estimé à 27 millions au maximum, soit près de 15 fois plus !
Une grenade bien connue
Il y a un an, Politis révélait une commande de 78 millions d’euros de grenades en tout genre, hormis de désencerclement. Il n’en restait donc plus qu’une à commander. Cela sera bientôt chose faite avec ce marché. Ce type de grenade a été introduit en 2004 par une décision de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur. Le 11 septembre 2020, Gérald Darmanin annonce qu’une nouvelle grenade de désencerclement viendra remplacer l’ancien modèle. À l’époque, ce changement est motivé par une dangerosité moins élevée.
Le nouveau modèle est la GENL, présentée comme une « grenade à éclats non létaux ». Il s’agissait du modèle commandé en mai 2019 et fabriquée par la principale entreprise du secteur, Alsetex, qui ne produisait plus l’ancien modèle.
La grenade de désencerclement est une arme bien connue des manifestants français. Ce type d’arme a déjà mutilé des manifestants, comme Laurent T. en 2016 et Jérôme Rodrigues en 2019, tous deux éborgnés. Son fonctionnement est assez simple. Jetée obligatoirement au sol (même si de nombreuses images montrent des forces de l’ordre les lancer en cloche), la GENL explose en produisant un fort effet assourdissant et projette 18 galets de caoutchouc à haute vitesse, transformant tout manifestant en cible potentielle.
Dans le cahier des clauses techniques de l’appel d’offres, plusieurs caractéristiques sont demandées pour la grenade. Certains sont jugés impératifs, d’autres souhaitables. On apprend ainsi que l’absence de fragment métallique, pouvant donc gravement blesser, est seulement souhaitable et non indispensable.
Un effet sonore toujours plus fort ?
On apprend aussi que l’effet sonore souhaité doit être compris en 160 et 163 décibels à cinq mètres. Comme Politis l’expliquait dans la présentation des nouvelles grenades assourdissantes, d’après BruitParif, l’observatoire du bruit en Île-de-France, « le seuil de douleur pour les oreilles est atteint à 120 décibels. À ce niveau, les dommages sur l’audition sont irréversibles ». Dans l’appel d’offres de 2019, l’effet sonore souhaité était entre 145 dB et 155 dB à la même distance. Pour mieux comprendre l’impact de cet écart, BruitParif explique qu’une simple augmentation de 10 dB est ressenti « comme si le bruit était deux fois plus fort ».
Jusqu’à 360 000 grenades
Prévu pour une durée de quatre ans, ce nouveau marché prévoit une quantité estimative de 120 000 grenades pouvant monter à 360 000 éléments pour 27 millions d’euros au maximum. Soit entre 80 et 240 grenades par jour. Comme de nombreuses autres armes utilisées en maintien de l’ordre, la grenade de désencerclement est classée catégorie A2, soit « matériel de guerre ». Les entreprises ont jusqu’au 14 mars 2025 pour manifester leur intérêt. De quoi faire planer une menace sur les futurs mouvements sociaux, alors que des ONG comme Amnesty International demandent le retrait de l’arme depuis de nombreuses années.
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