« Ça se relit », épisode 5 : Elsa Faucillon et Gisèle Halimi
Cet été, Politis demande à de nombreuses femmes de gauche un discours à découvrir… ou redécouvrir. Pour ce cinquième épisode, la députée communiste des Hauts-de-Seine choisit de relire la plaidoirie de Gisèle Halimi lors du procès de Bobigny.

© Politis / AFP Bertrand Guay / Marie-Lan Nguyen Wikipédia CC BY 2.5
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Cette plaidoirie est un plaidoyer d’actualité, il nous rappelle que les droits des femmes, et notamment celui de disposer librement de leur corps, ont été conquis de haute lutte.
Ce que dit Halimi à Bobigny, avec une clarté et une force inouïes, c’est que les lois répressives ne sont jamais neutres : elles frappent d’abord les plus précaires. À l’époque, seules les femmes les plus aisées pouvaient se permettre d’avorter à l’étranger. Les autres, les jeunes, les pauvres, les isolées, risquaient leur vie ou la prison. Ce constat fait de l’avortement une question sociale autant que féministe. Et cette tension entre une lutte universelle pour les droits des femmes et la lutte pour des droits sociaux continue de traverser nos combats.
Relire Halimi, c’est aussi mesurer la puissance collective qu’il faut pour faire bouger l’Histoire. Elle ne parle pas au nom d’elle seule, mais au nom de toutes. Elle ne parle pas depuis elle seule mais après tant d’autres. Toutes celles qui ont contribué au droit à l’avortement, toutes celles qui ont contribué à l’avancée des droits des femmes. Elle fait entendre les voix des silencieuses, des invisibles. Elle refuse la solitude imposée par le patriarcat aux femmes face à leurs choix et à leurs corps. Elle appelle à la solidarité.
La liberté d’avorter est désormais inscrite dans la Constitution en France. Dans d’autres pays, les droits des femmes reculent et l’offensive réactionnaire à l’échelle mondiale nous appelle à la plus grande vigilance ici, partout, ainsi qu’à la solidarité avec les femmes du monde. Les nationalistes s’organisent, et les droits des femmes trinquent vite, très vite. Mais le mouvement MeToo nous montre aussi la puissance d’un récit et d’une aspiration impatiente.
Relire la plaidoirie de Bobigny, c’est refuser l’amnésie, c’est se donner de la force. C’est rappeler que chaque avancée a été conquise. C’est refuser aussi que nos luttes soient réduites à des « sujets de société ». Parce qu’il s’agit de pouvoir, de domination, et donc de liberté. Et qu’il n’y a pas de démocratie digne de ce nom quand la moitié de l’humanité n’a pas la maîtrise de son propre corps.
La plaidoirie de Gisèle Halimi au tribunal de Bobigny, en 1972.
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