Linky, une bonne affaire pour qui ?

Le compteur Linky doit être généralisé pour permettre aux consommateurs de mieux gérer leur consommation électrique. Mais pour l’UFC-Que choisir, le compte n’y est pas.

Christine Tréguier  • 4 mai 2012
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Linky, une bonne affaire pour qui ?
Photo : AFP / Alain Jocard

Le nouveau compteur Linky, dont la généralisation a été décidée par un arrêté en date du 4 janvier 2012, va-t-il vraiment permettre aux consommateurs de mieux gérer leur consommation électrique ? C’est ce qu’affirme ERDF, mais l’UFC-Que choisir n’est pas de cet avis et a saisi le Conseil d’État pour qu’il annule l’arrêté. Une opération court-circuit qui s’appuie sur un constat : « Le compteur Linky ne répond pas aux exigences normatives européennes et nationales, et, en conséquence, n’est pas au service des consommateurs. »  

Une directive européenne de 2009 prévoit en effet que «   les États membres veillent à la mise en place de systèmes intelligents de mesure qui favorisent la participation active des consommateurs aux marchés de la fourniture de gaz et d’électricité   » . Le 9 mars 2012, une recommandation européenne insiste sur l’importance de la protection des données personnelles, et la nécessité de fournir des relevés et de veiller à ce que les clients finaux disposent d’une interface normalisée pour visualiser leur consommation individuelle. 

Pour l’UFC, le compte n’y est pas. L’expérimentation menée en 2010 en Touraine et à Lyon a été bâclée. Planning non tenu, défaillances techniques des compteurs, et, surtout, aucune évaluation des bénéfices que peuvent en tirer les consommateurs n’a été réalisée. Mais pour qu’il y ait bénéfice, il faudrait pouvoir visualiser sa consommation chez soi. Or, les compteurs sont souvent difficiles d’accès et sont pour plus de 50 % situés en dehors des logements. Le dispositif d’affichage déporté voulu par l’Europe est techniquement possible, mais n’a pas été mis en œuvre. Il est probable que les fournisseurs le proposeront moyennant paiement. 

De plus, les informations fournies sont minimales : consommation cumulée et consommation au moment de la consultation. Pas d’informations journalières ou horaires en kilowattheures et en euros, qui, elles, permettraient de maîtriser ses dépenses. Lors de l’expérimentation lyonnaise, consulter sa consommation via Internet était déjà facturé 3,50 euros/mois, et les fournisseurs testent actuellement divers services de mise en forme de ces données… payants bien sûr. Ce que l’UFC traduit pudiquement par « privatisation de l’accès aux données essentielles de consommation ». L’association ne croit pas plus à une facturation correspondant à la consommation réelle, rien dans la réglementation n’obligeant les fournisseurs à le faire. 

Enfin, contrairement à ce qui a été dit, Linky ne sera pas gratuit. Les consommateurs vont le payer via le le tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (Turpe), et le total de la facture reste incertain. ERDF parle de 4,5 milliards d’euros, Henri Proglio, lui, évoque 200 à 300 euros par unité, soit 7 à 10 milliards d’euros pour 35 millions de boîtiers. 

L’UFC a donc de bonnes raisons de penser que «   ces compteurs sont bel et bien conçus essentiellement dans l’intérêt exclusif du gestionnaire de réseau et des fournisseurs d’énergie   » . Pour Nicolas Mouchnino, responsable de ce dossier, « il faut définir un cadre minimum concernant les droits des consommateurs – ce qui est gratuit, ce qu’ils vont payer, ce à quoi ils ont droit – avant le déploiement, pas après  ». 

Le communiqué de l’UFC et un questionnaire « vrai/faux » sur Linky.

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