Ce que nous apprend une mise en examen

La mise en examen, par le juge Roger LeLoire, de François Pérol pour prise illégale d’intérêt dans son arrivée à la tête de la banque BPCE ne dit rien sur sa culpabilité qui est du ressort des juges du siège. Mais elle dit beaucoup sur la situation de certaines banques coopératives et sur les liens incestueux entre le Pouvoir et le monde de la « Finance ».

Jean-Philippe Milesy  • 7 février 2014
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Quand il est nommé à la tête de BPCE ce ne sont pas les compétences, ou du moins les titres, de François Pérol qui peuvent être mis en causes. HEC, énarque, Inspecteur général des Finances, directeur adjoint du cabinet de Nicolas Sarkozy aux Finances, il a pantouflé dans une grande banque d’affaire. C’est là que le Président Sarkozy vient le chercher pour lui proposer le Secrétariat général adjoint de l’Elysée où il aura à s’occuper des entreprises et des établissements financiers. C’est là qu’il intervient face à l’ébranlement de deux grandes banques coopératives, les Banques Populaires et les Caisses d’épargne menacées par l’effondrement de leur filiale commune NATIXIS. Etait-il le mieux placé pour s’en occuper, lui qui avait été, au titre de Rotschild & Cie, le conseiller de Philippe Dupont, président des Banques populaires, dans la création même de NATIXIS ?
_ Toujours est-il que c’est lui l’artisan de la fusion des deux banques et qu’il quitte l’Elysée pour en prendre le jour même la présidence. Et notons qu’une de ses premières mesure dans la nouvelle entité sera une considérable augmentation de sa rémunération.
_ Une Loi interdit l’intégration des hauts fonctionnaires au sein d’entreprises dont ils ont eu à traiter, elle n’a pas été visiblement respectée.
Une Commission traitant de ces cas avait été peu avant constituée, elle n’a pas été consultée.

Des acteurs de la lutte anti-corruption, ANTICOR,et des syndicalistes des deux banques, CGT et SUD, s’inquiètent de cette arrivée et déposent plainte pour prise illégale d’intérêt. Leur plainte est classée sans suite.
Ils demandent l’ouverture d’une enquête judiciaire, ils se voient opposer un refus d’ouvrir. Il faudra monter jusqu’à la Cour de Cassation pour que la procédure puisse suivre son cours, qui aboutira à la mise en examen de François Pérol.
_ La bataille judiciaire et politique contre cette procédure aura démontré l’embarras du Pouvoir en cette affaire.

Que nous dit cette affaire ?

En premier lieu le besoin d’une « révision » de certaines banques coopératives quant à leurs engagements, quant à leur pratiques mais avant tout quant à leur fonctionnement démocratique. Dans tout ce processus en dehors d’un petit cercle au sein des instances dirigeantes des deux établissements aura été consulté.

En second lieu, le nécessaire recentrage de ces banques sur la production, la solidarité, l’emploi. C’est la fièvre spéculative qui s’est emparée de BP et de CE et a provoqué la crise. NATIXIS, banque d’affaire prédatrice, créée nous l’avons vu par François Pérol, jouant sur l’économie casino, se prêtant à des dépeçages d’entreprises, des déstabilisations de territoires au nom du profit financier n’a rien avoir au sein du système coopératif.

Mais cette affaire met surtout en lumière les intrications entre le Pouvoir, ministère des Finances et Elysée, avec les grandes forces de la Finance.
Les hauts fonctionnaires, des finances notamment, passent indistinctement de l’une à l’autre institution.
_ Le plus souvent ces pantouflages, réintégrations, nominations ne sauraient conduire à incrimination. Ainsi Xavier Musca ancien patron de François Pérol a-t-il été nommé, au départ de Nicolas Sarkozy, directeur général délégué de Crédit agricole SA, la part banalisée du groupe coopératif. A gauche, Emmanuel Macron ou Matthieu Pigasse, au delà de leurs convictions différentes, montrent que le système perdure. Cela
crée un réseau qui nécessairement pèse sur les orientations des uns et des autres.En ces temps de rétrécissement des oligarchies financières cela pose un problème pour la démocratie politique, économique et sociale.

On voit qu’une loi seule ne fondera, à partir de sas valeurs et principe initiaux, l’ESS de transformation sociale à laquelle ici nous aspirons.

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