Les écologistes politiques: ils servent à quoi ? Ils s’occupent de quoi en dehors de la politique ?

Claude-Marie Vadrot  • 4 avril 2015
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Que les écologistes soient divisés, qu’ils se répartissent en chapelles, cela rien de nouveau. Ils ont commencé leur apparition politique il y a exactement trente ans par des constitutions en chapelles ennemies et paraissent vouloir finir de la même façon, ayant simplement troqué leurs assemblées générales enfumées contre les ors de l’Assemblée Nationale. Par contre, ce qui commence à se voir depuis quelques années, c’est qu’ils ne parlent plus guère d’écologie, de nature ou d’environnement. Sauf pour ceux qui s’investissent dans les municipalités ou dans les conseils régionaux. Ceux là ont compris où était l’essentiel d’un combat écolo. Dans ces instances, ils se battent au quotidien, et «battre » n’est pas une simple formule ; qu’ils se trouvent face ou à côté des productivistes de la droite et de la gauche qui, dans ce domaine, fonctionnent souvent sur des vieux logiciels mentaux que nulle mise à jour ne peut améliorer. Mais au niveau national, sortie des palinodies habituelles sur le climat ou sur le nucléaire, ils sont difficiles, sinon impossibles, à entendre en dehors de Sivens et de Notre-Dame-des Landes, des « affaires » qui ne relèvent pas seulement de l’écologie. De quoi ne parlent-ils guère aux Français ?

Des parcs nationaux en voie de soumission aux élus des deux partis déjà mentionnés. Des parcs régionaux qui vont bientôt recouvrir toute la France sans changer d’un iota les conditions de protection du patrimoine naturel soumis aux maires qui ne rêvent qu’à en faire, comme les nationaux, des espaces touristiques où l’on peut construire avec vue sur le parc quand ce n’est pas dans les parcs puisque les parcs régionaux n’offrent toujours légalement aucune protection. Ils passent également le sort des réserves naturelles dont le nombre augmente mécaniquement mais à budget constant. Combien des Verts, foncés ou pâles, ont déjà passé une journée entière dans une réserve naturelle ?

Ils sont en général absent des discussions, sauf pour évoquer quelques espèces emblématiques comme le loup ou l’ours – et encore bien discrètement, portant sur la biodiversité de la France en train de disparaitre ou de se banaliser. Alors que le pays enregistre des milliers de disparition d’espèces végétales et animales. Combien de Verts, foncés au pâles, ont remarqué que le superbe guêpier vit désormais au nord de la Loire et que les grues cendrées sont revenues très tôt de leur migration cette année?

Ils restent souvent à l’écart de la demande en alimentation biologique sauf, parfois, pour souhaiter qu’elles soient offertes dans les cantines. Comme si la France pouvait se convertir au bio sans que se développe une agriculture dédiée férocement défendue. Sans que les paysans ayant choisi la difficile voie du bio ne devaient pas être autant protégés que les loups et les ours dont l’existence menacée n’est finalement qu’un symptôme de l’indifférence de la classe politique dans laquelle les écolos politiques cherchent désespérément à s’insérer.

Nul ne les a entendus réclamer que la généralisation des jardins ouvriers ou familiaux devienne une grande cause et réalisation nationale par le biais d’une loi attendue depuis les années 50. Pour l’écologie mais surtout pour tous ceux qui y trouveraient le moyen de faire face à une crise économique, sociale et identitaire qui n’est pas sur le point de se terminer. Combien de Verts, foncés ou pâles, ont déjà manié la bêche et le plantoir ou rencontré un paysan ailleurs qu’à Paris ou à Montreuil ?

Ils ne s’intéressent plus guère, noyés dans leurs grands principes, aux milliers de cours d’eau pollués et ravagés au quotidien ni aux pollutions multiples de l’air sauf quand elles émanent des voitures ou de quelques incinérateurs d’ordures. Combien de Verts, pâles ou foncés, se sont interrogés sur les raisons qui poussent les préfets à interdire la baignade en Loire ?

Ils ne se passionnent guère pour l’amélioration du tri sélectif alors que le pays est sur ce point essentiel, l’un des plus attardés de l’Union Européenne, ne nourrissant que des sociétés parasites qui se donnent vocation de récupérer une faible part de ce que nous jetons.

Ils ne se battent pas énormément pour la protection d’un littoral ou pour une montagne grignotés par les promoteurs et leurs urbanisations.

Que savent Emmanuelle Cosse, Cécile Duflot, Jean-Vincent Placé, Jean-Luc Benhamias et beaucoup d’autres sur la nature et sur tout ce qui se détruit et disparait en dehors des villes ? Les écologistes ou plus exactement les Verts n’ont plus que des Grande Causes et plus de préoccupations quotidiennes ou concrètes. Les écologistes politiques ont oublié leurs origines, leurs racines et les militants de terrain qui les ont inventés. Les écologistes de plus en plus mal assemblés en un parti une fois de plus en crise, sont peut-être en train de faire la preuve, sentiment qui n’est pas pour moi nouveau, qu’en France ils n’ont pas vocation à être élus, députés, sénateurs ou députés, au niveau national, là où ils ne deviennent trop souvent que des politiques comme les autres. Laissant faire tout le travail écologique immense aux associations de protection de la nature et de l’environnement qui, elles, arpentent le terrain en s’épuisant à la tâche.

Ce n’est pas, pour certains, en rêvant de s’allier aux paléo-productivistes du Parti communiste ou aux productivistes fraichement (re)convertis du Parti de gauche, qu’ils réussiront à verdir le pays et une majorité de citoyens.

Alors que quelques uns des Verts plongent leurs mains dans le noir cambouis socialiste pour arracher quelques lois, quelques inflexions vertes pendant les deux ans de survie qui restent à François Hollande n’est peut-être pas un pari stupide. S’ils réussissaient un peu en se brûlant beaucoup, cela vaudrait peut-être le coup. Ils doivent oublier leurs carrières et leurs ego et ne penser qu’aux résultats éventuels; et retourner ensuite, comme les commères de Brassens, à leurs oignons. Et la situation ne serait pas pire…

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