La chasse au Banksy

Une équipe de chercheurs statisticiens anglais prétend avoir identifié Banksy en utilisant le profilage géographique, une technique mathématique développée pour la police scientifique

Christine Tréguier  • 5 mars 2016
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La chasse au Banksy

Banksy est sans conteste l’artiste de street art le plus connu et ce autant pour son talent que pour son aptitude à rester anonyme. Sans plus de respect pour le travail de l’artiste qui a su se jouer des enquêtes en tout genre, une bande de statisticiens en mal de publicité a décidé de le traiter comme un vulgaire criminel. Ils se sont servis, pour le traquer, des outils habituellement réservés à la poursuite des tueurs en série. La technique consiste à analyser une grande quantité de données géographiques avec des algorithmes de big data, afin d’identifier des modèles de déplacement et tenter de prévoir le ou les endroits où pourraient avoir lieu un prochain meurtre. En l’occurence, ils ont collecté toutes les coordonnées des oeuvres murales de l’artiste à Londres et à Bristol et analysé leur proximité et leur densité pour en déduire ses lieux de résidence les plus probables. Cette étude a été décrite dans un article publié dans le Journal of Spatial Science sous le titre racoleur de « Epingler Banksy : utiliser le profilage géographique pour enquêter sur un mystère de l’art moderne ». La notoriété et le mystère Banksy font que cette publication a attiré l’attention de tous les médias, bien au delà des professionnels du big data et de la police scientifique.

Mais, comme l’ont fait remarquer certains critiques, l’expérience est faussée car les chercheurs ont finalement comparé leurs résultats avec les adresses d’un certain Robin Gunningham qui, selon une enquête réalisée par le Daily Mail en 2008, serait le véritable patronyme de Banksy. Autrement dit ils n’ont pas trouvé l’identité de l’artiste mais simplement établi que les zones les plus probables de résidences incluaient les adresses connues de Gunningham. Il semble que les réelles finalités des statisticiens soient plutôt d’attirer l’attention des services de renseignement sur les outils de profilage géographique, comme en atteste la fin du résumé de l’article (payant) : « Plus largement, ces résultats étayent l’hypothèse que l’analyse d’actes mineurs liés au terrorisme (i.e. le graffiti) puissent être utilisée pour aider à localiser des bases terroristes avant que des incidents plus sérieux n’adviennent, et sont un exemple fascinant de l’application de ce modèle à un problème complexe du monde réel. » Du grand n’importe quoi, en particulier l’assimilation du graffiti à un « acte terroriste mineur » par des personnes qui se disent par ailleurs admirateurs de l’oeuvre de Banksy.

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