La forêt reprend des forces

La gestion des ressources sylvicoles par les communautés indiennes et paysannes fait ses preuves au Mexique. Elle démontre qu’on peut générer des bénéfices socio-économiques en respectant l’environnement.

Yoran Jolivet  et  Valeria Estrada  • 4 septembre 2008 abonné·es

L’autogestion serait-elle promue au rang des réussites au Mexique, pays du libre-échange et du libéralisme roi ? Utilisée pour la protection de la forêt et le développement social, cette forme d’organisation collective est en tout cas très appréciée, révèle une étude récente menée au Mexique sur la gestion de la forêt par les communautés indiennes ou paysannes. Cette recherche, pilotée par l’Université nationale autonome du Mexique (Unam), l’Institut polytechnique national et l’université internationale de Floride, montre que « la gestion communautaire de la forêt orientée vers l’extraction du bois a permis de protéger les forêts d’une manière aussi efficace que les aires naturelles protégées, de créer des revenus qui contribuent à diminuer la pauvreté, et elle favorise la diminution des disputes intracommunautaires qui dérivent vers la violence » [^2].
La publication de cette enquête intervient dans une période de déforestation massive du pays : 600 000 hectares de forêts (plus qu’un département français) disparaissent chaque année, selon Greenpeace. Et 30 à 50 % du bois vendu est issu de coupes illégales. Mais 80 % des forêts appartiennent à des communautés indiennes ou à des regroupements paysans appelés ejidos [^3]. Ceux-ci délèguent généralement la gestion de ces ressources au secteur privé, pas toujours intéressé par la préservation de la forêt. Aussi, l’État interdit parfois l’exploitation forestière pour protéger le milieu, et laisse alors la place à la coupe illégale et non planifiée.

Dans ce contexte, les entreprises communales d’exploitation du bois restent globalement faibles, autour de 10 % [[ *
Humanidad y ciencias sociales,* février 2008.]]
, selon la chercheuse Leticia Merino Pérez, mais elles sont un acquis social important. En effet, dans les années 1970, la plupart des forêts étaient déjà propriété communale, mais l’État les administrait en laissant des concessions à de grandes entreprises privées. On versait aux villages une rente sans que les habitants n’aient aucun contrôle sur la gestion à long terme de leur forêt ou sur les bénéfices réels de la vente du bois. « Dans les années 1980, une longue lutte des communautés a commencé contre les grandes concessions de bois que le gouvernement mexicain octroyait à des entreprises industrielles » , rappelle l’ingénieur Alfonso Argüelles, spécialiste de la forêt au Mexique [[ Simbiosis, 15 mai 2007.

[^2]: La Jornada, 5 novembre 2007.

[^3]: La propriété collective de la terre a été reconnue au Mexique en 1917. Les communautés indiennes ont alors fait valoir leurs droits précoloniaux, et on a créé les « ejidos », des terres de propriété collective données par l’État à des paysans sans terres.

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