Parutions

Politis  • 10 décembre 2009 abonné·es

La crise, quelles crises ?

Damien Millet et Éric Toussaint, éditions Aden-CADTM-Cetim, 285 p., 20 euros.

L’heure est à la reprise économique, et le mot « crise », qui faisait la une de l’actualité à la mi-2007, semble s’être dilué dans les limbes. Pourtant, cette crise affecte toujours l’ensemble de la planète et revêt de multiples visages : elle n’est pas seulement financière, elle est aussi alimentaire, écologique, politique… Mais la priorité a été de défendre à tout prix le système capitaliste en évitant soigneusement de poser la question du modèle lui-même. Ainsi, la crise actuelle entraîne une réduction des recettes de l’État alors que ses charges liées au remboursement de la dette augmentent durablement. Les pressions pour réduire les dépenses sociales vont être très fortes, préviennent ces deux militants du Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde (CADTM). L’objet de ce livre est de montrer qu’il n’y a rien d’inexorable dans cette politique.

Moraliser le capitalisme ?

Anne Salmon, CNRS éditions, 262 p., 25 euros

Trop peu connue, Anne Salmon, philosophe et sociologue, poursuit avec ce livre un travail de recherche sur l’éthique du capitalisme d’un grand intérêt car il touche au cœur de l’actuel modèle économique dominant. L’idée d’une moralisation du capitalisme s’est développée depuis les années 1990, mais, patatras, la crise financière a montré que ces fameux garde-fous éthiques érigés pour tempérer le capitalisme spéculatif ont été sérieusement ébranlés. Catastrophes et scandales se succèdent. Licenciements massifs, délocalisations, golden parachutes et stock-options balaient ce discours de légitimation destiné à susciter l’adhésion des acteurs. Et si le nouveau capitalisme était en lui-même l’une des sources d’une démoralisation de la société ? s’interroge Anne Salmon, qui décortique cette éthique « purement instrumentale ».

Penser la politique avec Simone Weil

Dominique Carliez, L’Atelier, 144 p., 18 euros.

Œuvres complètes
T. IV, Écrits de Marseille (Vol. 2), Grèce, Inde, Occitanie (1941-1942), Simone Weil, André A. Devaux et Florence de Lussy (dir.), Gallimard, 818 p., 45 euros.

Il est peu de dire que Simone Weil n’est plus à la mode. Philosophe formée par Alain, juive convertie au catholicisme tout en refusant le baptême, pacifiste engagée aux côtés des républicains espagnols puis dans la France libre avant de rompre avec elle, communiste qui refusa d’adhérer au PC et dénonça très tôt le stalinisme, enseignante agrégée devenue ouvrière, elle fut un esprit si indépendant que la seconde moitié du XXe siècle, si encline aux idéologies hégémoniques et aux partis bien encadrés, l’ignora peu ou prou. C’est par ce constat que Dominique Carliez, esprit libre et catho de gauche, a choisi de revisiter la pensée de celle qui, toute sa vie, décida d’ « épouser la condition de tous les exclus de la société » . Il livre ainsi un essai remarquable sur cette figure majeure de la philosophie du siècle passé.
Par ailleurs, André A. Devaux et Florence de Lussy poursuivent leur monumentale édition des œuvres complètes de l’auteure de la Condition ouvrière  : le dixième volume sur les treize prévus vient de paraître et s’avère d’une grande originalité puisqu’il propose, outre des textes déjà publiés – dont le fondamental la Source grecque  –, un grand nombre d’écrits, de traductions et d’annotations inédits sur la pensée platonicienne (le Timée ), hindouiste ( le Bhagavad-Gîtâ ) et même chinoise ou japonaise. L’occasion de (re)découvrir comment Simone Weil n’a cessé d’interroger les fondements de notre civilisation mais aussi de formuler une « reconnaissance de ce qu’il y a d’universel » dans « chacune » des autres civilisations.

Idées
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