Le coût de la Coupe

Si l’organisation du Mondial est un motif de fierté pour le pays, on doit tout de même s’interroger sur l’impact économique et social de cet événement sportif.

Denis Sieffert  • 3 juin 2010 abonné·es

Un match de rugby et un match de football un même après-midi au cœur du township de Soweto, c’est du jamais vu. Le double événement a eu lieu le 22 mai dans l’immense cité noire proche de Johannesburg. Il faut dire que le sport est toujours très marqué par l’apartheid, pourtant aboli il y a dix-neuf ans. Le rugby reste le sport des Blancs, et le foot, celui des Noirs. Un match de rugby à Soweto, ce n’est donc pas banal. Avec une mordante ironie, le quotidien The Star rappelait la veille que « la dernière fois que des Blancs, en particulier ceux qui parlent afrikaans, sont venus en si grand nombre à Soweto, c’était en 1976 quand la police de l’apartheid a tiré pour mettre fin à une insurrection d’écoliers armés de cailloux » . Il y a donc beaucoup de symboles derrière cette Coupe du monde qui va s’ouvrir le 11 juin. Un motif de fierté pour l’Afrique, qui n’avait pas encore accueilli pareil événement sportif. Un motif de fierté aussi pour les Noirs, dont le sport de prédilection est ainsi célébré. Ces données psychologiques ne doivent pas être négligées.
Mais on doit ensuite s’interroger sur l’impact économique et social.

La réflexion n’est d’ailleurs pas spécifique à l’Afrique du Sud. Souvenons-nous que le Canada n’a terminé de rembourser sa dette des Jeux olympiques de Montréal, en 1976, que l’an dernier. Quant à la Grèce, dont on connaît la situation économique, elle est loin de s’être remise des Jeux d’Athènes, en 2004. Cette fois, la Fifa espère une recette globale de 2,6 milliards d’euros.

Mais où ira cet argent ? D’abord aux joueurs, sous forme de primes mirobolantes ; ensuite, à leurs employeurs, les clubs. Les grandes structures comme le Real Madrid, Barcelone, Manchester, l’Inter de Milan percevront de gigantesques indemnités. Et l’Afrique du Sud ? Il est à peu près certain qu’elle sera largement déficitaire. Le coût supporté par le pays est estimé à près de 4 milliards d’euros. Beaucoup plus que les 230 millions imaginés au début ! Même si la Fifa reverse une partie de ses recettes au pays organisateur, il est certain que le « contribuable » en sera de sa poche. Cela dans un pays dont 47 % de la population vit avec moins de 1,50 euro par jour. Certes, des infrastructures profiteront à une partie de la population : le luxueux aéroport de Durban, par exemple. Mais on voit bien à quelle catégorie sociale. Quant aux six stades construits ou rénovés pour la circonstance, ils seront en surcapacité. De quoi refroidir après coup les ardeurs festives.

Publié dans le dossier
Où en est l'Afrique du Sud ?
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