Le silence français

Ivan du Roy  • 13 janvier 2011 abonné·es

Au moins 14 morts officiellement, tués par balles, le triple selon l’opposition. Une contestation sociale partie de Sidi Bouzid mi-décembre qui, en trois semaines, s’est étendue à tout le pays. Avec en première ligne les jeunes, dont nombre sont au chômage, sur fond de dénonciation du régime népotique de Ben Ali, de slogans en faveur de la démocratie et de la justice sociale. De quoi faire écho à des valeurs défendues de notre côté de la Méditerranée. Pourtant, le silence y est pesant. Le gouvernement, si prompt à pointer du doigt l’immigration, dont celle venue du Maghreb, ne dit mot. Bernard Valero, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, s’est contenté d’appeler « à l’apaisement » lors d’un point presse le 10 janvier. Un petit tour sur le site de la diplomatie française laisse perplexe. Michèle Alliot-Marie s’inquiète du sort des chrétiens d’Orient, évoque la Côte d’Ivoire et s’émeut de la situation des défenseurs des droits de l’homme en Iran. Mais sur la Tunisie : rien, ni sur l’Algérie d’ailleurs, où 5 personnes ont été tuées et 800 blessées début janvier. Condamner le fait de tirer sur des manifestants, œuvrer au respect des droits fondamentaux, voire soutenir des perspectives d’emploi pour les jeunes – les deux tiers des diplômés sont au chômage pendant au moins un an et demi après l’obtention de leur diplôme, selon la Banque mondiale – ne semble pas intéresser le gouvernement français.

La gauche, elle, s’est réveillée. Le PS dénonce la « répression brutale » , et le Parti de gauche manifeste sa solidarité face au « pouvoir dictatorial policier et corrompu » . « Un gouvernement qui tire à balles réelles sur sa jeunesse ne doit plus être soutenu par les gouvernements européens » , déclarent de leur côté Europe Écologie-Les Verts et Tunisie verte, une formation non reconnue officiellement. En ce sens, la Fédération internationale des droits de l’homme demande à l’Union européenne de suspendre les négociations avec la Tunisie en vue d’intensifier les relations commerciales. À Bruxelles, on appelle à la libération immédiate des personnes détenues, blogueurs, journalistes ou manifestants, sans envisager de sanctions si la répression perdurait.

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