Entre quatre murs

Stéphane Mercurio livre un documentaire exceptionnel sur les lieux de privation de liberté.

Jean-Claude Renard  • 31 mars 2011 abonné·es
Entre quatre murs

Le débat sur les hontes de la République que sont les geôles françaises s’est au moins soldé par un poste : contrôleur général des lieux de privation de liberté. Soit les prisons, les hôpitaux psychiatriques, les centres de rétention administrative, les commissariats, les gardes à vue, les centres éducatifs fermés, les dépôts des tribunaux. Une autorité indépendante en place depuis juin 2008. Jean-Marie Delarue a été ainsi nommé contrôleur, pour un mandat de six ans, ni révocable ni renouvelable. À ses côtés, trente collaborateurs, issus d’horizons différents et convergents, de la police, de la psychiatrie, de la médecine générale, des services pénitenciers, du milieu associatif, de l’aumônerie, du barreau. Ces équipes peuvent se rendre dans les établissements de leur choix à tout moment, de jour comme de nuit. 30 personnes donc, pour 5 000 à 6 000 lieux référencés. Hardi, petits !
« Si l’on n’est pas dans la boutique, analyse Jean-Marie Delarue, face à la caméra de Stéphane Mercurio, ce qui nous intéresse, c’est le devenir des hommes qui y sont ; sans être encombré de soucis ministériels, de politiques à appliquer. Nous sommes là pour vérifier que les gens qui sont en prison, en hôpital, dans un commissariat, en dépôt de tribunal sont traités convenablement. On est là pour protéger les droits fon­damentaux des personnes. »

Partant de ces principes, Stéphane Mercurio a suivi cette équipe de « missionnaires ». Avec une caméra circulant dans la maison d’arrêt des femmes de Versailles, l’hôpital psychiatrique d’Évreux, le centre pénitencier de Bourg-en-Bresse, la centrale de Saint-Martin-de-Ré. Ça inspecte, vérifie. Les moindres détails, de la dimension d’une geôle au débit de l’eau d’une douche, d’un registre d’enfermement d’un HP aux différents boulots proposés (imposés) sur place (rémunérés, à Versailles, entre 1,67 euro et 2,18 euros l’heure). Ça converse (loin d’un interrogatoire) avec les détenus, les patients, parfois avec les personnels. Râles, souffrances intimes et doléances en leitmotiv. Une réalité « à l’ombre de la République » qui se déploie sans pathos. En petites touches violacées. Aux images sobres, glaciales, au diapason des établissements, aux entretiens sur fond noir, la réalisatrice ajoute des photographies, une géographie et une température des lieux comme autant d’instantanés. In fine , entre le verbe et la forme, la matière pour s’interroger sur l’utilité de l’enfermement.

À l’ombre de la République, Canal + (90’), diffusé le 23 mars et rediffusé le dimanche 3 avril (3 h 53) et le vendredi 22 avril (8 h 30). À voir également, de Stéphane Mercurio, À côté, un documentaire consacré aux femmes de détenus, condamnées au parloir, à l’éloignement (DVD éd. Montparnasse).

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