La politique en vedette

Entre le fracas de l’affaire DSK et une série de films plus ou moins réussis, la chose publique s’est doublement invitée au festival.

Christophe Kantcheff  • 26 mai 2011 abonné·es

La politique française s’est invitée cette année à Cannes. Sans crier gare et en recouvrant tout de son caractère stupéfiant, ce fut d’abord l’affaire DSK, bien sûr. Le festival, qui fonctionne habituellement en circuit fermé, en a été pendant quelques jours déstabilisé. Son aura médiatique mondiale était supplantée par l’arrestation du directeur du FMI. Ça n’allait pas du tout. Ce n’était pas ce qui était prévu !

Selon l’agenda cannois, c’est avec la Conquête , de Xavier Durringer, présenté hors compétition, que la politique devait sonner à la porte. On savait que Nicolas Sarkozy ne descendrait pas sur la Croisette pour l’occasion. Tout de même, jamais un film de fiction n’avait eu l’audace de prendre pour personnage principal un président encore en exercice. Et le plan de communication du film avait bien fait son travail.

Mais la baudruche s’est aussitôt dégonflée. La Conquête cumule deux handicaps embêtants : un manque cruel de sens cinématographique, une absence de regard critique sur la politique. Ce qui fait qu’au total ce film est hautement sarkocompatible, de la même manière que les Guignols de Canal + (auxquels la Conquête emprunte son style) réussirent à humaniser Chirac lors de la campagne de 1995.

Sur le sujet, deux films se sont révélés autrement plus intéressants. Sur le mode ludique : Pater , d’Alain Cavalier, présent en compétition. Entre réel et fiction, Alain Cavalier joue au président et désigne son Premier ministre, Vincent Lindon. Le cinéaste et le comédien mettent en scène leur complicité et leur rivalité d’hommes d’État, en même temps qu’ils nous prennent à témoin de leur amitié et de leurs (mauvaises) humeurs de citoyens. C’est une esquisse des mœurs politiques, à la fois crédible et risible, à l’image du spectacle que proposent aujourd’hui ceux qui en font réellement profession.

Enfin, sur un mode plus documenté et romanesque, il y eut l’Exercice de l’État , de Pierre Schœller, présenté à Un certain regard. Olivier Gourmet, impeccable, y interprète un ministre des Transports à qui Bercy et Matignon veulent imposer une loi de privatisation des gares. Le film est précis et passionnant sur la dépossession de ce personnage, de son pouvoir de décision, de sa capacité à maintenir une position. Toujours pris entre deux nécessités – le langage de la communication, l’injonction de l’urgence, les contraintes financières, la fidélité à la majorité… –, il n’est finalement plus qu’un pion obéissant, dont le seul moteur reste l’ambition professionnelle. C’est ainsi que de la politique, on tombe dans le jeu politique.

Culture
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