Embouteillage de candidats à droite

Même si toutes ne se concrétiseront pas, les candidatures de Borloo, Villepin, Boutin, Nihous et Dupont-Aignan, qui s’ajoutent à celle de Bayrou, fragilisent Nicolas Sarkozy. Etat de troupes très dispersées.

Michel Soudais  • 14 juillet 2011 abonné·es
Embouteillage de candidats à droite
© Photo : AFP / Dufour

Neuf mois avant l’échéance présidentielle, le rêve de Nicolas Sarkozy de réunir toutes les droites dans une seule et même formation n’est plus qu’un souvenir. Le chef de l’État a toujours voulu dégager le terrain dans son camp pour être certain d’arriver en tête au premier tour et créer une dynamique au second. L’Union pour un mouvement populaire (UMP), créée par Jacques Chirac en 2002, devait être l’instrument de cet objectif. Or, au moins cinq candidats à droite et au centre-droit pourraient se mesurer au président sortant l’an prochain.


Tous n’auront sans doute pas les moyens de leur ambition. N’empêche. Cette dispersion traduit une division de la droite inédite depuis les débuts de la Ve République. Elle révèle aussi la faiblesse d’un président impopulaire comme jamais ne l’a été aucun de ses prédécesseurs à l’issue d’un premier mandat. S’il veut pouvoir être réélu, Nicolas Sarkozy doit batailler dans son camp pour reconquérir une autorité que même le chef de son parti lui conteste désormais. Et marginaliser un à un ses rivaux.


À commencer par Dominique de Villepin, le premier qui l’ait défié. Le dernier Premier ministre de Jacques Chirac a présenté le 14 avril un projet de « refondation politique » qu’il entend « incarner » en 2012. La notoriété de cet ex-UMP, président de République solidaire, peut lui permettre de franchir l’obstacle des parrainages nécessaires à toute candidature à l’Élysée. Mais nombre de ses soutiens de la première heure semblent l’abandonner, à commencer par Jacques Chirac, qui a récemment dit sa préférence pour le socialiste François Hollande.
Le 19 juin 2009, Villepin lançait triomphalement son parti devant 6 000 supporteurs. Un an plus tard, il a déroulé son programme devant à peine 500 à 600 militants, en disant toutefois qu’il « sentait bien cette campagne ».


Nicolas Dupont-Aignan est aussi un ancien de l’UMP, qu’il a quittée début 2007 quand il cherchait déjà à se présenter à la présidentielle. Mais le député-maire de Yerres (Essonne) avait dû jeter l’éponge faute de l’obtention des 500 signatures d’élus. Cette fois, le président de Debout la République multiplie déjà les déplacements pour convaincre les petits maires indépendants de le parrainer. 
Candidat de la sortie de l’euro, thème qu’il défend dans un essai paru en mars, l’Arnaque du siècle (Éd. du Rocher), il assure de « sa détermination totale » à être candidat pour « offrir un choix aux millions de Français qui ne supportent pas l’“UMPS” ». Un positionnement qui, jusqu’ici, ne lui assure qu’un succès d’estime.


Autre candidate déclarée, Christine Boutin a donné le 22 juin à Montfermeil (Seine-Saint-Denis) le top départ de sa campagne. En 2002, elle avait recueilli 1,19 % des suffrages. Cinq ans plus tard, après avoir envisagé de se présenter, elle avait rallié Nicolas Sarkozy et était entrée au gouvernement.

Mais l’ex-ministre du Logement de François Fillon se dit déçue : « De nombreuses réformes nécessaires ont été votées. Mais rien de fondamental sur les questions essentielles. » La présidente du Parti chrétien-démocrate (PCD), parti « associé » à l’UMP mais qui n’en reçoit plus de subventions, veut donc faire de « la défense de la personne humaine du début à la fin de sa vie » l’axe de sa campagne. Elle compte présenter « une bonne centaine » de candidats aux législatives pour avoir des représentants au Parlement mais, contrairement à Dominique de Villepin ou Nicolas Dupont-Aignan, elle affirme « sans ambiguïté » vouloir faire « gagner la droite ».


Frédéric Nihous n’a pas ce souci. Le président de Chasse pêche nature traditions (CPNT), qui avait obtenu 1,15 % des voix au premier tour de l’élection présidentielle de 2007, reste fidèle à sa logique lobbyiste. Son parti avait intégré le comité de liaison de la majorité présidentielle en 2009 et avait présenté des listes communes avec l’UMP aux régionales de 2010.


Mais parce qu’« un thème sans candidat à la présidentielle n’existe pas aux yeux des médias et des pouvoirs publics », Frédéric Nihous a annoncé mi-juin son intention de se présenter en 2012. Le patron des chasseurs et « défenseur de la ruralité » s’est assuré depuis les services d’un conseiller en communication : Bruno Larebière, ancien rédacteur en chef de Minute et dirigeant du Bloc identitaire.


La candidature qui inquiète le plus Nicolas Sarkozy est celle de Jean-Louis Borloo. Depuis qu’il s’est dit « prêt » le 7 avril à représenter le centre à la présidentielle, le président du Parti radical construit sa candidature. Son parti a décidé mi-mai de quitter l’UMP, pour rejoindre une « confédération des centres ». Ce rassemblement porte le nom de « l’Alliance », pour Alliance républicaine, écologiste et sociale (Ares). Il comprend, outre le Parti radical, le Nouveau Centre d’Hervé Morin, la Convention démocrate d’Hervé de Charrette et la Gauche moderne de Jean-Marie Bockel. La semaine dernière, le président du Centre national des indépendants et paysans (Cnip) et député UMP Gilles Bourdouleix a annoncé que sa formation était candidate à entrer dans l’Alliance en vue d’en « constituer l’aile droite ».

Un ralliement étonnant de la part d’une formation qui avait notamment appelé à des positions beaucoup plus fermes sur l’immigration, qui s’était alliée au mouvement souverainiste de Nicolas Dupont-Aignan aux régionales de mars 2010 et avait entamé des discussions avec le parti de Mme Boutin. Ce ralliement traduit cependant la détermination d’une partie de la majorité à ne pas se ranger derrière Nicolas Sarkozy.


La confédération des centres de Jean-Louis Borloo a toutefois échoué à rallier l’Alliance centriste de Jean Arthuis et sa quinzaine de parlementaires. Celle-ci attendant que soit établis l’« indépendance » de l’Ares, « son positionnement au centre et son ouverture à tous les centristes ». L’apparition de ce concurrent a aussi poussé François Bayrou à radicaliser son discours. Le président du MoDem, dont la candidature est un secret de polichinelle, a prévenu que « 2012 ne sera pas comme 2007 ». Le candidat de l’ex-UDF, qui avait alors obtenu 18,6 % des voix au premier tour, avait expliqué durant l’entre-deux-tours qu’il ne voterait pas pour Nicolas Sarkozy, sans pour autant donner de consigne de vote à ses électeurs. Avant de révéler plus tard qu’il avait voté blanc. L’an prochain, François Bayrou a assuré qu’il donnera une consigne de vote.


Dans ce maelström de forces centrifuges, même le secrétaire général de l’UMP joue contre les intérêts de Nicolas Sarkozy. Officiellement, le député maire de Meaux fait le job. Il appelle les troupes de l’UMP à la « mobilisation générale » et ne manque pas de mettre en garde Jean-Louis Borloo contre une candidature à la présidentielle qui pourrait, selon lui, éliminer la majorité dès le premier tour.


Mais en multipliant les conventions sur des sujets polémiques (islam et laïcité en mai, la fin des 35 heures et l’immigration), où la parole est monopolisée par les ultras de son parti, le patron de l’UMP encourage l’éloignement des centristes, heurte les derniers gaullistes et fait fuir l’électorat issu de l’immigration.


Dimanche, le chef de l’UMP, sourd aux critiques émanant de son propre camp, s’est félicité d’avoir réussi à rassembler autour de lui quelque 2 000 militants et une soixantaine de parlementaires dans les Alpilles. Mais ces quatrièmes « journées de Maussane » étaient organisées par son club Génération France et non par l’UMP. Et Jean-François Copé avait surtout pour objectif d’impressionner ses potentiels rivaux dans la course à l’Élysée en 2017.


Cet ambitieux a parfaitement intégré à son plan de carrière la nouvelle logique institutionnelle induite par la limitation à deux mandats présidentiels votée lors de la réforme constitutionnelle de 2008 : même réélu, Nicolas Sarkozy ne sera plus « le » chef de la droite l’an prochain. La place est à prendre. Il sera toujours temps de reconstruire, après.

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