Les retraités battent le pavé face à la crise

Quelques milliers de retraités ont défilé ce jeudi à Paris contre l’instauration d’une nouvelle taxe sur leurs pensions. L’occasion pour toute cette « génération précaire» d’alerter sur leur situation, au cœur de la crise.

Xavier Bonnehorgne  • 12 octobre 2012
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Les retraités battent le pavé face à la crise

Malgré une fine pluie qui a accompagné le départ de la manifestation, près de 4000 retraités ont arpenté les rues de Paris. Au cœur des revendications, le pouvoir d’achat, sujet de tous les maux alors que, selon les derniers chiffres de l’Insee, 1 300 000 retraités perçoivent une pension inférieure au seuil de pauvreté de 948 euros. Une précarité d’autant plus inquiétante à l’heure où le gouvernement souhaite instaurer, dans le cadre du budget de la sécurité sociale pour 2013, un prélèvement supplémentaire sur leurs pensions. Ce taux de contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (Casa) sera fixé à 0,13% en 2013 et 0,3% en 2014.  

Une ponction « inadmissible » pour ce retraité qui exprime sa colère : «  Nous avons travaillé toute une vie pour obtenir une petite retraite, parfois plus de 40 ans de cotisations, et le gouvernement voudrait une fois de plus nous taxer » . Un ancien cadre dans l’informatique s’insurge : « Pour ma part je touche 600 euros de retraite par mois. Ma femme, ancienne fonctionnaire touche 1400 euros. Nous vivons bien, mais d’autres n’arrivent plus à joindre les deux bouts. Pourquoi le gouvernement s’en prend-il aux retraités ? S’il veut de l’argent, il n’a qu’à taxer les capitaux. La France n’en manque pas  » .

Les retraités oubliés  

« Les jeunes dans la galère, les vieux dans la misère » , entonne la foule au départ du cortège, rue de Sèvres, avec une pointe de nostalgie et de scepticisme. Pour certains retraités croisés au coin d’une rue, les Français ne se mobilisent plus assez : «  Dans les années 1960 , raconte cet homme de 70 ans, lorsque nous étions ouvriers, nous bloquions l’usine le matin tous ensemble et le soir même nous avions gain de cause avec les patrons, mais actuellement cela est inconcevable, les gens sont moins solidaires.  »

Au-delà de la nostalgie, l’heure est à l’action pour ces retraités en colère qui, au cœur d’une crise, se sentent oubliés. « Il faut manifester , dit un militant à la CGT Retraités, il faut rappeler au gouvernement que nous existons et que notre génération ne peut plus supporter cette situation. Le pouvoir d’achat des retraités n’est déjà pas formidable, pour certains il ne dépasse même pas le SMIC. Dans ces conditions, je ne comprends pas pourquoi on peut nous demander des efforts supplémentaires  » .  

Un ras-le-bol général

Pouvoir d’achat, pensions de retraite, santé, autonomie des personnes âgées, autant de sujets sur lesquels les retraités ont exprimé leur déception face à une situation économique qui n’en finit plus de se dégrader. Ainsi, pour cette jeune retraitée de l’industrie chimique, militante au Front de Gauche, venue défendre un système de retraite garant d’une « solidarité intergénérationnelle » , les manifestants ont aussi voulu rappeler ce gouvernement à l’ordre, à l’heure où les plans d’austérité se succèdent en Europe : «  La situation est très grave, l’austérité qui se met en place aujourd’hui dans toute l’Europe nous mène droit dans le mur  ».

Illustration - Les retraités battent le pavé face à la crise - Xavier Bonnehorgne

Une critique de l’austérité généralisée qui s’accompagne souvent d’un reproche directement adressé à François Hollande: «  On attendait beaucoup d’un gouvernement de gauche. Personnellement, j’ai voté Hollande parce que je voulais l’alternance, mais je suis déçu  », raconte un des manifestants. « Les gens n’ont pas de mémoire, cela fait des années que les socialistes ont tourné le dos aux ouvriers et au peuple  », s’insurge un septuagénaire.

Une génération de privilégiés

Certains ont protesté contre un rapport de la Cour des Comptes, publié fin septembre, indiquant que les retraités, souvent propriétaires de leur maison, seraient une génération plutôt privilégiée par rapport à la moyenne des Français. Un argument jugé provocant  : «  Dans mon association, je connais des personnes âgées qui vivent avec moins de 3 euros par jour. C’est cela une situation privilégiée ? » Une autre militante de rappeler : « Vivre, que dis-je survivre avec 400 euros par jour, c’est loin d’être un privilège » .

Le rapport de la Cour des Comptes est aussi ressenti comme une stigmatisation des personnes âgées alors que pour la plupart cette manifestation est aussi une manière de défendre la nouvelle génération : « Ceux qui utilisent cet argument oublient que les jeunes bénéficient aujourd’hui de tous les avantages sociaux que nous avons conquis. D’ailleurs, tous les retraités qui sont venus ici sont probablement plus inquiets pour l’avenir de leurs petits enfants que pour eux   », confie un retraité, alors que la manifestation s’est arrêtée à quelques pas de l’Assemblée Nationale, bloquée par un groupe de CRS.

Économie Travail
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