La difficile relance du plan de paix arabe

L’initiative saoudienne de 2002 est remise au goût du jour, appuyée en sous-main par les États-Unis. Mais le plus probable est qu’elle n’ait pas plus de succès cette fois que les précédentes.

Denis Sieffert  • 9 mai 2013 abonné·es

Ce n’est jamais que la troisième fois en onze ans que le fameux plan de paix arabe resurgit dans l’actualité. Lancée en mars 2002 par celui qui n’était encore que le prince Abdallah d’Arabie saoudite, puis relancée en juillet 2007, cette offre de règlement du conflit israélo-palestinien vient d’être reformulée lundi à Washington, à l’issue d’une rencontre entre une délégation de la Ligue arabe et le secrétaire d’État américain, John Kerry.

Le plan, qui par deux fois déjà a été balayé d’un revers de main par Israël, garantirait à l’État hébreu une reconnaissance et une normalisation diplomatique de tous les pays arabes en échange de la création d’un État palestinien sur la base des frontières de 1967. Mais un découpage donnerait lieu à des échanges de territoires pour permettre d’intégrer à Israël les principales colonies établies en Palestine. Ce qui pourrait augurer d’une négociation très complexe étant donné que les colonies n’ont cessé de s’étendre au cours des dernières années. Sans même parler du cas de Jérusalem, officiellement annexée par Israël en 1980, et dont la partie orientale compte à présent deux cent mille colons. Or, le plan de 2002 réaffirmait bien l’exigence d’un État palestinien « avec Jérusalem-Est pour capitale ». En revanche, il restait plus flou sur la question des réfugiés, préconisant un règlement « équitable et agréé ». Surtout, cette négociation, déjà fort compliquée sur le fond, risque de n’avoir jamais vraiment lieu. Car, si le principe en est soutenu par la ministre israélienne de la Justice, Tzipi Livni, qui est officiellement en charge du dossier, il rencontre une franche hostilité du Premier ministre, Benyamin Netanyahou. Celui-ci a immédiatement fait savoir, vendredi, que tout accord avec les Palestiniens devra être soumis à référendum. On imagine quel type de campagne pourrait être orchestré. Le Premier ministre en a donné un aperçu en affirmant que « le conflit avec les Palestiniens n’était pas territorial, mais dû à leur refus de reconnaître Israël comme État juif ». Ce qui constitue à la fois une négation de la colonisation et une injonction faite aux Palestiniens de nationalité israélienne, qui représentent 20 % de la population, de s’accommoder d’un statut de citoyen de seconde zone. Pour sa part, Tzipi Livni a fait savoir qu’elle était opposée à l’idée d’un référendum et qu’un vote du Parlement devrait suffire. Mais, outre que Mme Livni n’a qu’un faible poids politique au sein du gouvernement israélien, il faut rappeler que le Parlement avait adopté en novembre 2010 une loi imposant la validation par référendum de tout retrait de territoires sur lesquels Israël exerce sa loi. Ce qui comprend notamment Jérusalem-Est. Par ailleurs, le chef de file des colons, Naftali Bennett, ministre du Commerce et de l’Industrie, s’est lui aussi prononcé pour un référendum.

Le seul aspect positif dans cette affaire est l’engagement du secrétaire d’État américain, John Kerry, et sans aucun doute avec lui de Barack Obama. Mais on voit bien que les États-Unis, s’ils soutiennent réellement ce plan, auront tôt ou tard à affronter le Premier ministre israélien et sa coalition de droite et de centre-droit. Barack Obama a déjà montré, au cours de son premier mandat, qu’il n’était pas prêt à aller très loin pour imposer à son partenaire israélien de véritables concessions. Le plus probable est donc que le plan de paix arabe n’ait pas plus de succès cette fois que les précédentes. Et, à supposer que les Américains aillent jusqu’à imposer un retour à la négociation, celle-ci risque d’être rendue très compliquée par la carte de la colonisation et par l’existence du « mur », dont 80 % du tracé se situe à l’intérieur du territoire palestinien. C’est bien pourquoi le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, réagissant à la reformulation du plan arabe, a insisté sur la référence aux lignes d’avant l’occupation israélienne de 1967. Même s’il s’est dit prêt à des « modifications mineures de même valeur de part et d’autre ». La vraie question est de savoir si le fait accompli colonial n’a pas déjà rendu impossible la solution à deux États.

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