Loin du bruit et de la fureur

Le mensuel Silence interroge depuis plus de trente ans les aspects de l’écologie et de la non-violence dans nos sociétés. Sans pub ni subvention, en toute indépendance.

Jean-Claude Renard  • 1 mai 2014 abonné·es

Comment appréhender le travail dans une économie de décroissance ? La création d’emplois passerait-elle par une meilleure production et une plus faible consommation ? Quels sont les mécanismes de solidarité dans une économie sans croissance, entre Sécurité sociale, assurance chômage, minima sociaux et santé ? Quelle serait, selon Jean Gadrey, la place des retraites dans une société sans croissance ? Tel est le sommaire du dossier déployé dans ce numéro de mai de la revue Silence, confrontant solidarités et croissance, coordonné par Aurélien Boutaud, environnementaliste, chargé de cours et consultant indépendant. Un dossier convoquant également quelques exemples en Grande-Bretagne, où la solidarité des citoyens dédouane l’État de ses responsabilités, reconstruisant une solidarité « par le bas » .

Silence ajoute un débat sur la non-violence éducative, via un entretien avec Philippe Beck, activiste et formateur à la non-violence, un état des lieux de la situation du gaz de schiste, un reportage photographique sur « les zones à défendre » et les grands projets inutiles, un reportage sur la Super Halle d’Oullins, près de Lyon, qui entend relocaliser l’alimentation. Et, enfin, un entretien avec André Cicolella, chimiste, toxicologue et spécialiste de la santé environnementale, sur la nécessité de révolutionner le système de soins. Soit un numéro dense, dans la lignée des parutions d’un magazine qui compte déjà plus de 400 numéros (récemment, la presse alternative, les terres collectives, les expériences de transition, la contraception, la vélorution, les alternatives en région, ou encore Internet et l’envers de la toile).

Mensuel écologique associatif et indépendant, Silence est né en 1982, à l’initiative de cinq étudiants lyonnais, dans la mouvance antinucléaire. Ce qui en fait la revue écologiste française la plus ancienne, sans jamais dévier de sa ligne éditoriale. Traitant des thèmes liés à l’énergie, à l’agriculture, aux pollutions, à la santé, mais encore du féminisme, des relations Nord-Sud et de la décroissance, la revue se veut résolument tournée « vers les questions que soulèvent tous les aspects de l’écologie et de la non-violence dans nos sociétés ». Rejet des dominations, positions et propositions alternatives, regards croisés, sinon transversaux, subjectivité assumée, tels seraient ses mots d’ordre. Tirant à 5 000 exemplaires sur papier recyclé, Silence n’est pas diffusé en kiosque mais dans certains espaces spécifiques : les magasins bio, les librairies, les lieux associatifs, etc. et principalement vendupar abonnement. Silence peut s’enorgueillir de rassembler près de 4 000 abonnés, pérennisant ainsi son indépendance financière puisque le titre, installé à Lyon, vit sans publicité ni subvention.

Tout cela ne se fait pas sans mal, mais avec des frais de fonctionnement modestes, « des appels aux lecteurs, le soutien de militants », explique-t-on. Dans un fonctionnement horizontal, sans hiérarchie de salaire ni de décision, la revue compte quatre salariés. Deux à la gestion : Claire Grenet et Béatrice Blondeau pour les points de ventes, les stands et les abonnements ; deux autres à la rédaction : Michel Bernard, l’un des fondateurs de la revue, il y a 32 ans, et Guillaume Gamblin, arrivé en 2007. Une rédaction qui coordonne chaque numéro grâce à des contributions toujours bénévoles, auxquelles s’ajoutent des partenariats avec d’autres titres, comme Bastamag, sous forme d’échanges d’articles, tandis que les lecteurs sont invités à envoyer leurs reportages (contre un abonnement gratuit). Dans les mois à venir, suivant le comité de rédaction qui se réunit tous les quinze jours, les numéros se succèderont autour du « Voyage lent et léger », des alternatives en Mayenne et en Sarthe, de la bio-énergie… Et les idées ne manquent pas pour répondre aux attentes, gagner aussi un nouveau lectorat. « De plus en plus de gens lisent des revues écologistes, observe Michel Bernard, mais la multiplication des titres ne multiplie pas les abonnements. Le lectorat se disperse donc. Mais c’est aussi cela l’écologie : ne pas grossir mais se multiplier. »

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