La gauche du PS hausse le ton

Les frondeurs et leurs alliés visent le congrès pour créer un nouveau rapport de force. Toujours avec l’ambition d’infléchir le quinquennat de l’intérieur.

Pauline Graulle  • 2 avril 2015 abonné·es
La gauche du PS hausse le ton
© Photo : AFP PHOTO / XAVIER LEOTY

Pour la forme, ils attendaient le second tour, mais le texte était déjà prêt depuis plusieurs jours. Dimanche 29 mars, il était à peine 19 heures lorsque les membres de Vive la gauche [^2] ont dégainé, sur leur site Internet, leur « contrat de rassemblement ». Un long texte analysant la défaite aux départementales et appelant à la constitution d’une « grande gauche » autour de points programmatiques : renouer avec les classes populaires, mettre en place une politique de croissance par la relance, réorienter l’Europe… « “Grande” signifie “large”, mais aussi “ambitieuse” sur le fond », précise la députée du Doubs Barbara Romagnan. « Ce texte s’adresse aussi bien aux militants de notre parti qu’à tous ceux – peu importe leur étiquette politique – qui ne veulent pas rester dans les réflexes du passé », ajoute Fanélie Carrey-Conte, autre députée frondeuse de Paris.

Si, pour la première fois depuis 2012, l’aile gauche du PS appelle aussi clairement à des convergences à l’extérieur du parti, la stratégie globale reste néanmoins inchangée. Toujours pas question de quitter le parti –  « on n’abandonnera pas le navire PS ! », affirmait la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, dans un Solférino crépusculaire, le soir du second tour. Toujours la même ambition d’ « infléchir » le quinquennat de l’intérieur. À ceci près que, après quatre désastres électoraux consécutifs et au vu d’un exécutif toujours droit dans ses bottes, plus personne ne croit qu’un coup de barre à gauche aura lieu. « Il faudrait un grand mouvement social pour que François Hollande bouge », reconnaît Gérard Filoche, l’un des animateurs de la sensibilité la plus à gauche du parti. D’autres s’en remettent à l’esprit tacticien du Président : « Hollande se moque des élections locales, mais, s’il pense qu’il va perdre la présidentielle, il changera de stratégie », veut croire un cadre. Le congrès du PS, qui se tiendra à Poitiers du 5 au 7 juin, pourrait évidemment offrir l’occasion de créer le rapport de force à l’intérieur du parti pour peser sur l’orientation de l’exécutif. « Structurellement, l’aile gauche “pèse” 40 %, mais, si Martine Aubry nous rejoint, on passera le cap des 50 % et on prendra le parti », espère Gérard Filoche, qui remet le destin du PS – et son propre avenir politique – entre les mains de « l’indécise du Nord ». « La question qu’il faudra poser à Cambadélis [premier secrétaire du PS, NDLR], ajoute Pouria Amirshahi, c’est : “Est-ce que le parti doit défendre ses électeurs ou ses dirigeants ?” »

Gare toutefois à ne pas s’enfermer dans le « bocal » du PS, prévient le député des Français de l’étranger : « Ce dont il faut parler désormais, c’est du pays entier. Il faut que toutes les volontés, d’où qu’elles viennent, se remettent à parler de la France de demain, et qu’elles le fassent concrètement, physiquement. » Une entreprise ambitieuse, vu l’état de division des forces de gauche. Reste encore le levier parlementaire : « Je n’hésiterai pas à voter contre le budget à la rentrée prochaine s’il le faut », glisse un frondeur socialiste. Au risque de l’exclusion ? « Il nous reste toujours la possibilité de constituer un groupe autonome à l’Assemblée, avec des députés Front de gauche et Verts », glisse-t-il. La « grande gauche » commencera peut-être par là.

[^2]: Collectif créé en août 2014 à La Rochelle, rassemblant l’aile gauche des socialistes.

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