Les « partenaires » se rebiffent

Les deux mois de confinement ont profondément changé la donne sur les dossiers sociaux.

Erwan Manac'h  • 17 juin 2020
Partager :
Les « partenaires » se rebiffent
© Photo : Yoan VALAT / POOL / AFP

On prend les mêmeset on recommence ? Depuis la sortie du confinement, les leaders syndicaux sont convoqués un par un au ministère du Travail et à l’Élysée pour « un nouveau cycle de concertations ». Ils y sont allés avec une impression de déjà-vu : la valse des réunions s’ébranle à un rythme effréné et les décisions finissent par ne pas tenir compte de leurs revendications. Mais l’humeur ne semble plus être à ce type de danse. Le 11 juin, tous les « partenaires sociaux », jusqu’au président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, refusaient la diminution du niveau du chômage partiel, que prévoyait le gouvernement. « C’est insupportable », grondait même Laurent Berger, pour la CFDT, après avoir appris l’information dans la presse. Un changement d’ambiance qui a contraint le gouvernement à une spectaculaire volte-face en l’espace d’un week-end. Signe de l’improvisation et de la fébrilité du pouvoir, mais aussi d’une évolution du rapport de force. Le gouvernement a réussi à faire converger, contre lui, des acteurs aussi antagonistes que le Medef et la CGT.

D’autres dossiers chauds ont été ainsi bouleversés par le coronavirus, comme celui du durcissement des règles d’indemnisation chômage, entré en partie en vigueur en novembre et reporté pour le reste au mois de septembre. Il avait déjà scandalisé la totalité des syndicats de salariés, dans une indifférence quasi générale. Désormais, le Medef temporise et préfère attendre de connaître l’ampleur du choc sur le chômage pour demander le maintien, ou non, de cette mesure qui permettait de faire 4,5 milliards d’euros d’économies sur les allocations en deux ans.

Les deux mois de confinement ont également profondément changé la donne sur le dossier retraites. La chute des cotisations a creusé un trou de 26 milliards dans le régime, soit presque 3 fois ce que l’« âge pivot » devait permettre d’économiser. Dans ces conditions, la CFDT déclare forfait et le Medef se dérobe.

L’ordre des priorités a donc été brutalement revu, mais cela dessine une bataille non moins colossale, sur la manière de « payer la crise ». Il faudra « travailler plus », prévenait Emmanuel Macron le 14 juin. Mais il n’annonce toujours rien de significatif pour les 800 000 jeunes en fin d’études qui arriveront sur le marché du travail en septembre, les intérimaires qui ont vu le nombre de missions chuter de 54 % en deux mois et les 240 000 chômeurs en fin de droits qui n’ont plus d’allocation depuis le 1er juin. Tous ceux qui aimeraient pouvoir travailler tout court.

Publié dans
Parti pris

L’actualité vous fait parfois enrager ? Nous aussi. Ce parti pris de la rédaction délaisse la neutralité journalistique pour le vitriol. Et parfois pour l’éloge et l’espoir. C’est juste plus rare.

Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Lecornu : au PS, chronique d’une trahison permanente
Parti pris 14 octobre 2025

Lecornu : au PS, chronique d’une trahison permanente

Le PS s’apprête à ne pas voter la censure contre le gouvernement Lecornu. Une décision au nom de la « responsabilité » qui ravive pourtant un vieux soupçon : celui d’un parti incapable de choisir entre rupture et accommodement. À trop vouloir durer, le socialisme français risque surtout de s’effacer.
Par Pierre Jacquemain
Pourquoi les annonces de Sébastien Lecornu sont une arnaque
Parti pris 14 octobre 2025

Pourquoi les annonces de Sébastien Lecornu sont une arnaque

Au terme d’un discours de politique générale express, Sébastien Lecornu a tout fait pour convaincre le Parti socialiste de ne pas censurer son gouvernement. Et il ne fait plus de doute qu’il aura réussi. Comme cela pouvait être attendu, le parti à la rose a décidé d’être le dernier garant du macronisme.
Par Pierre Jequier-Zalc
La proportionnelle, oui… mais pas seule
Parti pris 14 octobre 2025

La proportionnelle, oui… mais pas seule

En cette période de crise politique, la question du mode de scrutin proportionnel refait surface. Avec un risque majeur : livrer les clés du Parlement à l’extrême droite, sans pour autant redonner le pouvoir au peuple.
Par Pierre Jacquemain
Macron : pourquoi ce hold-up démocratique est un tapis rouge au RN
Parti pris 10 octobre 2025

Macron : pourquoi ce hold-up démocratique est un tapis rouge au RN

Alors que la reconduction de Sébastien Lecornu à Matignon plonge la majorité dans un nouvel imbroglio politique, le Parti socialiste se retrouve au centre du jeu. Profitant de l’obstination présidentialiste et des tractations sans fin, Marine Le Pen trace sa route, tapant sa haine aux portes de l’Élysée.
Par Pierre Jacquemain