Quand Hollande varie…

Michel Soudais  • 6 septembre 2007
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Dimanche, à La Rochelle, François Hollande a récusé l’ «idée en vogue» de changer le nom du Parti socialiste, une suggestion de Manuel Valls, le député maire d’Evry (Essonne). Pourtant, le 13 mai dernier, sur France 3, le Premier secrétaire du PS n’était pas hostile à cette suggestion. Vous avez des doutes? Jugez donc sur preuves.

<img2408|left>Le 13 mai, François Hollande est l’invité de l’émission «France Europe express». Le patron des socialistes, très inspiré, y annonce que, après les législatives, «il y aura des assises qui permettront de refonder un grand parti de la gauche» . Au conseil national du PS, qui se tenait la veille, il n’en a pas été question. Lui-même n’en a pas soufflé mot. Mais ce soir-là, sur le plateau de Christine Ockrent, le Premier secrétaire parle avec l’assurance de ceux qui ont déjà préparé le terrain: «Les radicaux de gauche, les amis de Jean-Pierre Chevènement y sont prêts, et nous allons le faire avec tous ceux qui le voudront, après les élections législatives» , indique-t-il. Avant d’expliquer que cette refondation de la gauche est nécessaire «parce qu’on ne peut pas avoir un grand Parti socialiste» avec «des petites forces, des satellites autour de lui» .

Et comme le projet qu’il sort de son chapeau pour les téléspectateurs noctambules de France 3 est déjà bien ficelé, François Hollande présente déjà la «nouvelle stratégie» qu’ «il faut inventer» (il n’y a plus qu’à signer!): «L’invention de cette stratégie , affirme-t-il, c’est un grand Parti socialiste qui couvre tout l’espace qui va de la gauche, sans aller jusqu’à l’extrême gauche, jusqu’au centre-gauche ou au centre.» Pas question, précise-t-il, de «sous-traiter, ni à une gauche radicale qui n’existe plus, ni à un centre qui, lui, existe (sic). On va prendre tout l’espace» . A le croire, «constituer ce grand parti» constitue même «l’enjeu des prochaines élections – élections législatives, élection présidentielle de 2012» . C’est dire s’il voit loin…

C’est alors que le chercheur Marc Lazar, l’interroge sur le nom de ce PS élargi. Ce «grand parti pourrait-il s’appeler « Parti de gauche »?» Réponse de M. Hollande: «Pourquoi pas? Ça ne troublerait pas de s’appeler « la Gauche », c’est même plutôt un honneur.» Mais écoutez plutôt… «Au-delà du nom, la perspective c’est celle-là» , explique-t-il.
### JOLI LAPSUS
Le 2 septembre, changement de ton. Nous sommes à La Rochelle. François Hollande, qui s’adresse à des militants socialistes et non plus à «Mme Kouchner», a décidé de se payer les soi-disant rénovateurs (des jeunes ambitieux qui lorgnent son poste) et leurs «idées en vogue» . Avec son inimitable talent de chansonnier, le voilà qui ridiculise l’idée de «changer le nom du Parti socialiste. Comme si c’était la faute du nom» (rires dans la salle qui comprend NON). Cette proposition n’est pas nouvelle, rappelle-t-il, citant une réflexion de François Mitterrand de 1993 quand cette idée courrait déjà: «Faites à votre guise, disait-il, mais réfléchissez bien. Cela fait 100 ans que l’on se bat pour imposer la marque…» Mais tendez bien l’oreille avant de passer à la suite.

Vous avez entendu: «Si vous la laissez tomber, il y en a bien un qui se ramassera… pour la reprendre.» Joli lapsus puisque la version écrite du discours était: «Si vous la laissez tomber, il y en aura bien un qui se baissera pour la ramasser.» Mais probablement peu convaincu par la phrase suivante de son texte ( «Quand on a le flambeau du Parti socialiste, non seulement on le garde, mais on le porte!» ), non conforme avec la perspective indiquée plus haut, François Hollande aurait-il laissé parler son inconscient? On ne tranchera pas ici la question, il y faudrait trop de temps.

On se bornera à constater qu’un tel changement de pieds est assez savoureux de la part d’un homme qui explique dans le même discours de La Rochelle que la défaite électorale de son parti est due notamment à un «défaut de clarté» des socialistes. Et que, somme toute, le député maire de Tulle s’inscrit dans une tradition politique bien française puisque le premier Dictionnaire des girouettes date de… 1815.

Temps de lecture : 4 minutes
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