Courrier des lecteurs Politis 949

Courrier des lecteurs  • 26 avril 2007 abonné·es

La France est-elle républicaine ?

Il n’est rien de pire, dans une démocratie ­ le mot fût-il assorti de trente paires de guillemets ! ­, que la conjonction d’un pouvoir fortement personnalisé et du suffrage universel : c’est le triomphe assuré de la démagogie, la prééminence absolue de l’intérêt immédiat (qui propose la plus forte baisse d’impôts est quasiment certain d’être élu, quelles qu’en soient les conséquences au plan des services publics, de la santé, de l’enseignement ou de la protection sociale) et la toute-puissance de médias qui, depuis la fin du monopole d’État, ne se sont quelque peu affranchis d’un pouvoir politique en déclin que pour mieux s’asservir à un pouvoir financier devenu tout-puissant ; la lutte inégale, au nom d’une liberté aussi vantée qu’illusoire, du pot de terre de… Politis contre le pot de fer de TF 1.

Il va sans dire que l’auteur de ces lignes, admirateur de Mendès France et opposant de la première heure à notre très bonapartiste Constitution, est particulièrement sensible aux propos d’Arnaud Montebourg et autres promoteurs d’une VIe République. Mais quel est l’espoir réel de voir changer les choses ?

Force est de constater que, historiquement, nous n’avons jamais changé de constitution qu’à l’occasion de crises graves ou de bouleversements politiques fondamentaux, les derniers en date étant la défaite contre la Prusse en 1871, la débâcle de 1940, la fin de la Seconde Guerre mondiale et les graves événements d’Algérie de 1958.

Mais remarquons surtout que l’autoritarisme de notre Constitution a pour conséquence particulièrement perverse de la rendre elle-même pratiquement inamovible. Qui peut, en effet, proposer un changement de nos institutions ? Le président de la République et sa majorité, lesquels n’ont à l’évidence aucun intérêt à renoncer à un pouvoir dictatorial (sauf en cas de cohabitation ?).

Michel Pons, Marcilhac-sur-Célé (Lot)

Deux bons livres à découvrir

Je vous remercie de la meilleure distribution de votre journal, que j’attends toujours avec impatience, et qui, maintenant, semble vouloir arriver le jeudi. Cette nouvelle régularité me ravit.

À la lecture de l’article « Faut-il intervenir ? », à propos du Darfour, dans le n° 947 de Politis , la réticence des ONG apparaît bien. À ce sujet, je voulais signaler une plaquette publiée récemment aux éditions l’Insulaire, Humanitaire, le coeur de la guerre . Cet opus est écrit par Christiane Vollaire, professeur de philosophie, en cours de thèse, qui, après ses études universitaires, a fait des études d’infirmière. Avec MSF, elle est partie en Bosnie, en Angola, en Tchétchénie et dans d’autres lieux de désespérance. Elle analyse philosophiquement, historiquement et politiquement l’action humanitaire, et écrit un véritable pamphlet très structuré, qui mérite d’être étudié de près ! Je vous laisse le découvrir !

[…] Un autre bouquin passionnant vient enfin de sortir aux éditions Bouchardeau : le Devoir d’irrespect , de Claude Julien. Ce sont ses articles écrits entre 1973 et 1990. Les textes sont d’une actualité étonnante. On retrouve les mêmes problèmes qu’aujourd’hui, à ceci près que, faute d’avoir été traités, ils sont maintenant encore plus exacerbés et plus difficiles à résoudre. Avec peut-être moins de moyens.

Françoise Lagabrielle (courrier électronique)

Écoutez l’histoire d’Âne

Touchée, coulée… À voir… De mémoire de mammouth, elle n’avait jamais vu cela.

Depuis trente ans bientôt qu’elle est instit (dite prof des écoles à l’ancienneté, pas le salaire : faut pas exagérer !)

Fallait oser !

« Mais quoi ? Et qui ? », demande Idiotaime aux mains vides.

« Mais le misinistre », rétorque Âne.

« Mais quoi ? »

« Ah ! vous ne savez pas ? »

Écoutez, soeurs, frères lecteurs,

La complainte d’Âne la rançonnée :

Institutrice depuis 1978, Âne n’a pas ménagé sa peine au service des familles, des élèves, de son métier, comme tout un chacun : ses camarades collègues.

Que d’heures passées à monter bibliothèques, expositions, projets hors temps scolaire, à l’époque déjà où ceux-ci n’étaient même pas obligatoires…

Le bonheur n’attend pas le nombre des années.

Loin des 35 heures, mais près du coeur !

Sourire !

Mais elle fut mal récompensée : l’État lui vola d’abord sa retraite, pénalisée tu seras, si ta retraite à 55 ans prendras.

Décotée, plombée la maîtresse !

Travaille et tais-toi !

Les temps changent, il est vrai : qu’espérer d’un gouvernement plus au service du Medef que de ses con-si-si !toyens ?

Touchée ? Han quête… Âne, ne vois-tu rien venir, tu rêves ?

La voilà de nouveau récompensée, diguedondaine !

Son salaire est amputé de 91,91 euros ce mois de janvier 2007 pour, citons, « absence non rémunérée enquête 19 » .

Couac ! Quoua ? Quoi !!

Une enquête non rendue, payée 91,91 euros ?

Mais, comme c’est bizarre ! Âne perçoit une indemnité de 4 euros par jour pour la charge (sic) administrative appelée, citons, « ind.suj. spéciales charges » .

Alors, dites, elle va toucher 91,91 euros si elle la rend ?

« Dans tes rêves, ma chérie », pouffe Idiotaime.

La sanction est tombée : une journée de salaire tu perdras même si dans ta classe tu travaillas !

[…] « Arrêtez vos grèves intempestives… et vos mesquines jérémiades… » , vocifère « De ».

Mesquines jérémiades ?

Et mes 17 réunions hors temps scolaire depuis le début de l’année…

Allez, vous me les payez !

Les inscriptions en juillet, en août, la préparation de la rentrée dès le 20 août…

Allez, vous me les payez !

Toutes mes années sans décharge (sept crénondeDiou).

Allez, vous me les payez !

Mes rencontres hors temps scolaire avec les partenaires non Éducation nationale pour améliorer le suivi des enfants en difficulté…

Allez, vous me les payez !

Toutes les rencontres avec les parents hors temps scolaire.

Allez, vous me les payez !

Toutes les heures de préparation pour les sorties, voyages scolaires, journées exceptionnelles, leskermesses, les classes vertes…

Allez, vous me les payez !

Mesquineries !

Oui, osez payer ce travail,

Oui, soyez généreux comme vous êtes répressif ! […]

Oui, ayez de l’audace, là aussi ! […]

Oui, il faut avoir du culot pour sanctionner une enquête administrative non rendue par une retenue d’une journée de salaire d’instit !

Eh oui, Âne était bien dans sa classe à enseigner…

Oui, allez monsieur De Romal, de l’audace, diantre !

C’est tout vu !

Âne reçoit donc de plein fouet ce merci.

Âne voit la valeur de son mérite du bas de sa France.

Alors, par cette mesquine missive, Âne vous fait dire,

Monsieur le braqueur de salaires, qu’elle actera encore, en citoyenne, résistante et révolutionnaire

Et que son rêve serait que tous les directeurs et directrices démissionnent en masse de leur fonction pour vous botter votre derrière d’audacieux !

Ainsi s’achève la complainte de la bougresse Âne, en mal d’une vraie, loyale, sereine, joviale, agréable, somptueuse, glorieuse

Éducation nationale

Première aux programmes des gouvernementeux !

Ainsi soit-elle.

Une Sans-Culotte.

Véronique, directrice d’école, militante du RESF (Aquitaine)

Nicolas Sarkozy et le déterminisme génétique

Denis Sieffert s’inquiétait, dans le n° 947 de Politis , de la mollesse des réactions aux propos de Nicolas Sarkozy sur le déterminisme génétique du comportement humain. Peut-on s’en plaindre ? Cette théorie a perdu depuis peu la béquille scientifique (le génocentrisme) sur laquelle elle s’est appuyée fort longtemps.

Aujourd’hui, les différents niveaux d’organisation et de fonctionnement du vivant sont modélisés, en recherche biologique, comme étant des systèmes physicochimiques complexes exploitant en la modulant l’information génique au cours de leurs interactions dynamiques avec l’environnement. L’hypothèse d’un programme de développement et de fonctionnement contenu dans les gènes n’a plus aucune valeur heuristique en recherche. S’y référer est trop ringard pour stimuler une polémique.

Rappelons cependant au petit Nicolas que des sociobiologistes américains ont proposé, dans leur délire génocentré des années 1970, l’existence d’un gène de la fidélité conjugale, dont l’expression permet de conserver la précieuse pureté du capital génétique des couples de l’élite sociale. Parions que son engouement pour le déterminisme génétique le conduira (à ses risques et périls, mais pour l’exemple) à entreprendre avec sa douce moitié une thérapie génique stabilisant un comportement amoureux qui, au dire de la rumeur, est par trop erratique pour un couple présidentiel.

R. Chambert (Paris)

Courrier des lecteurs
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