Pour un New Deal vert

Pour Alain Lipietz, la conjonction des crises économique et écologique appelle une réforme radicale.

Patrick Piro  • 2 juillet 2009 abonné·es

Ce petit ouvrage, c’est du Lipietz dans toute sa splendeur : un esprit tenace et foisonnant, puits de culture économique, politique, sociologique, philosophique, capable d’articuler la grande et la petite histoire pour en dégager du sens. Toutefois, l’exercice de la conversation (avec Bertrand Richard) est à double tranchant : dynamique mais génératrice de volutes intellectuelles dont on guette parfois la sortie. On patiente, mais la démonstration tiendrait moins sans l’instruction inaugurale, fouillée, du procès en responsabilité d’un système qui, entre autres fautes capitales, a détruit la confiance et, aujourd’hui encore, n’a pas pleinement compris que les droits de tirage sur la nature n’étaient pas infinis.

Quoi, pour sortir de la crise ? La planification contre le libéralisme. Mais Lipietz nous alerte sur l’avance prise sur ce terrain par… la droite, qui y voit le moyen de perfuser un productivisme auquel elle n’entend pas renoncer. Il est notamment à l’œuvre avec le projet européen d’imposer par décret les agrocarburants – au secours, au passage, d’un modèle individualiste fondé sur la voiture. Le planisme écologique que Lipietz appelle de ses vœux, n’a rien à voir avec ça : il s’agit d’une gouvernance supranationale qui favoriserait les investissements prioritaires pour la collectivité. Et, fédéraliste militant, il voit bien l’Union européenne jouer ce rôle.

L’ex-eurodéputé est un pragmatique. Il justifie à nouveau son engagement en faveur du TCE en 2005 (plus de démocratie, c’était ça de pris) et son peu d’appétence à pinailler sur l’avenir du capitalisme : il y a plus urgent. Idem pour la décroissance ou le protectionnisme, « qui ne sont pas des idéaux ». Ce qu’il propose est un « New Deal vert » , un planisme non productiviste et porteur de solidarité. Il nécessitera de nouvelles institutions, pour que les acteurs collectifs trouvent intérêt à engager des actions sur des termes qui dépassent de loin les durées de « retour sur investissement » classique.
La pensée de l’auteur boucle sa trajectoire par une interrogation sur ce qui bloque l’« économie » du désir au ras de la surconsommation, frein vers ce  « réformisme écologique radical » (terme qu’il préfère à « révolution verte » ). Par quelle satisfaction, par exemple, compenser la perte de liberté qu’induira le reflux de la bagnole ? Lipietz propose entre autres le « travail plus », pied de nez au slogan sarkozyste. Pas pour entretenir la spirale surconsumériste, mais pour promouvoir une nouvelle fierté du producteur, « de radis ou de services » , qui traite mieux la nature et sert mieux les humains.

Écologie
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