Courrier des lecteurs n° 1115

Politis  • 26 août 2010 abonné·es

Devant l’abondance de formules dignes du Café du commerce débitées par des ministres et des membres de l’UMP depuis le discours de Grenoble, on conseille à Jean-Marie Gourio de fréquenter dorénavant le conseil des ministres et les réunions de l’UMP pour alimenter la prochaine édition de ses Brèves de comptoir.

J.-J. Corrio, Les Pennes-Mirabeau (13)


Claude Allègre plébiscité
La sortie de son livre pamphlet, il y a quelques mois, avait fait grand bruit. Seul contre tous, Claude Allègre dénonçait « l’imposture climatique », niant une quelconque responsabilité humaine dans le réchauffement généralisé de notre planète. Si la thèse pour le moins hardie doit son incontestable succès médiatique à l’unanimité de la communauté scientifique à la réfuter, il faut bien reconnaître qu’elle fit un flop dans le débat politique. À part les écologistes, évidemment, bien peu à gauche ou à droite se sont hasardés à prendre une position tranchée. Même chez les anciens amis de M. Allègre, pourtant largement vilipendés, on ne moufta guère. Il faut reconnaître que le sujet est périlleux tant la réelle prise en compte de la pénurie énergétique et du réchauffement du climat bousculent les schémas formatés de notre organisation sociale et économique, où chaque mouvance politique a son rond de serviette.

L’accord signé le 15 juillet (sans tambour ni trompette, il est vrai) entre le secrétaire d’État Dominique Bussereau et les élus de Nantes Métropole, du département de la Loire-Atlantique et de la Région Pays-de-la-Loire pour finaliser le financement conjoint de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes illustre parfaitement le constat suivant. Au-delà des discours redondants sur le développement durable, sur les « Grenelle » successifs et autres moulins à vent, toute la classe politique est clairement derrière Claude Allègre pour nier le réchauffement climatique, la fin des ressources fossiles, le péril environnemental. Elle réaffirme sa foi indéfectible dans notre salut par la croissance sans fin, par le toujours-plus de consommation, le toujours-plus de transport. […]

Pour donner le change à une opinion publique toujours plus sceptique et inquiète, il ne manquera personne sur la photo du sommet de la Terre de Cancún, l’automne prochain, pour montrer au monde combien nos villes, nos départements, nos Régions et l’État lui-même se sont engagés courageusement dans la lutte contre le réchauffement climatique, avec force Grenelle, plans Climat, Agenda 21 et autres Bilan carbone. Personne n’oubliera non plus de préciser qu’il a bien éteint la lumière en partant.

Philippe Papin


J’ai beaucoup apprécié le dossier du numéro d’été, « Voyager sans avion », concept que j’ai adopté depuis quelques années avec plaisir et qui provoque (encore) souvent scepticisme ou moquerie à peine voilée. Je voyage plus doucement, moins loin et parfois plus cher, mais tellement mieux ! Dans son interview, Isabelle Autissier omet de signaler que, dans ses nombreux voyages à la voile, pour « emmener des gens » , le moyen utilisé pour shunter les longs trajets de préacheminement jusqu’au point de rendez-vous est généralement l’avion long-courrier, avec toutes les nuisances que cela engendre. […]. Nous sommes dans le tourisme bobo-vert et ceux que le journal la Décroissance nomme les « écotartufes ».

E. Schmutz, Servoz

P.-S. : Abonné à Politis, je continue de l’acheter occasionnellement afin de garnir les présentoirs des salles d’attente de médecin, dentiste, etc. ou de lieux publics. Il est ainsi possible d’être doublement efficace en remplaçant la presse insipide habituelle de ces endroits par notre journal favori tout en diffusant les valeurs que nous partageons.


Nous aurions aimé voir nommer des préfets humanistes, sachant s’entourer de gens de culture et d’expérience, de professionnels de l’éducation et de l’enseignement, de travailleurs sociaux, d’experts en sciences humaines, de policiers attentifs autant au respect de la loi qu’à celui des personnes, de spécialistes de la jeunesse délinquante, les uns et les autres soucieux de paix sociale.
Notre naïveté est grande. Je parle de nous qui voulions aider certaines populations que nous pensions injustement traitées par des institutions hostiles et une opinion que nous jugions mal informée. Nous voici détrompés. Dans une proclamation tonitruante du 21 juillet, le chef de l’État annonce la nomination de deux préfets à poigne, tous deux grands policiers, avec la mission précise de chasser les Roms de leurs campements illicites. La solution était évidente. La délinquance est apparue dans notre pays avec l’arrivée récente de ces populations, Roumains persécutés dans leur pays, ou anciens Yougoslaves devenus apatrides. […]

Depuis qu’ils sont parmi nous, les crimes et délits prolifèrent. S’ils ne les commettent pas, ils les inspirent par le triste exemple de leur perversion… On citera la corruption qui règne dans les sphères gouvernementales, les fraudes fiscales, les abus de biens sociaux, les évasions de capitaux, les délits d’initiés, et plus généralement toutes ces malversations qui épuisent les ressources du pays. Le Président a raison de les dénoncer à la vindicte publique. Il faut les chasser de camp en camp, de bidonville en bidonville. Mais jusqu’où ? […]
Oui, notre naïveté est grande. L’intégration de 15 000 Roms dans un pays de 65 millions de citoyens généreux nous paraissait chose aisée. De même, à une échelle plus réduite, celle de 150 êtres humains dans une ville de 70 000 habitants comme Béziers ne devait pas, pensions-nous, poser de graves problèmes d’ordre public. Quelle erreur était la nôtre ! Le Président nous montre la voie : « Casse-toi pov’Rom » !

Georges Apap, ancien procureur
de la République, Béziers (34)


La réforme des collectivités territoriales : un coup d’État contre la République et la démocratie locale ! Cette réforme entend redécouper la France en nouveaux territoires : Régions, métropoles… Ces nouveaux territoires devront être dirigés selon une nouvelle gouvernance définie par l’Union européenne dans le cadre de la stratégie du traité de Lisbonne. Traité ratifié par la France, comme on s’en souvient, en faisant fi du résultat du référendum sur le traité constitutionnel européen, contre lequel les Français se prononçaient majoritairement le 29 mai 2005. C’est donc le Comité des régions de l’Union européenne qui recommande le regroupement « forcé » des communes, la suppression des syndicats de communes. Bon élève, le gouvernement actuel, prétextant des problèmes de complexité et de coût, un besoin de modernisation et de simplification favorisant le développement économique, fait voter en 2009 la loi de finances supprimant la taxe professionnelle, et met en place la réforme des collectivités territoriales. En France, dans 36 682 communes, 600 000 élus (1 % de la population) participent à la démocratie de proximité et au maintien des solidarités locales. Le coût de ces élus représente 0,02 % du budget des collectivités, et plus de 450 000 d’entre eux sont bénévoles. Six mois de présidence française de l’Union européenne ont coûté aux contribuables français 175 millions d’euros, selon la Cour des comptes. La réforme, ou comment concentrer des lieux de décision et porter atteinte à l’expression de la démocratie. La carte intercommunale, regroupement autoritaire ! D’ici au 1er janvier 2014, toutes les communes devront être rattachées à une intercommunalité, avec objectif de rationaliser les intercommunalités déjà existantes. Des schémas d’orientation seront soumis aux préfets avant le 31 décembre 2011. Ceux-ci auront ensuite deux ans pour créer, modifier ou fusionner ces intercommunalités à leur guise, y compris en imposant leurs décisions aux communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) concernés. Ils seront dotés de « pouvoirs temporaires destinés à faciliter la déclinaison du schéma, qui devra être achevée au 1er janvier 2014 ». Là encore, nous assistons à la remise en cause d’un des principes fondamentaux de la loi de décentralisation de 1982, qui renforçait les pouvoirs de l’élu en diminuant ceux du représentant de l’État, non élu. Le projet de loi facilite le transfert du maximum de compétences et de ressources des communes aux EPCI, entraînant la réduction de leur pouvoir. Il prévoit des domaines d’intervention dévolus aux intercommunalités : PLU, élimination des déchets, assainissement, culture, sport…

La représentabilité des petites communes sera remise en question par le nouveau mode de fonctionnement et de désignation, qu’il s’agisse des effectifs ou du mode de répartition des sièges […]. Les petites communes ne seront plus que des coquilles vides.

Vous avez dit simplification ? Un coup d’État contre la République et la démocratie locale. Une réforme est certainement nécessaire, mais celle-ci nous apporte encore plus de confusion. La Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et la Révision générale des politiques publiques (RGPP) ont pour but la réduction des services publics, des effectifs et des moyens de fonctionnement, alors que ceux-ci sont les amortisseurs de la crise actuelle. Nombreux sont les élus municipaux, des conseils généraux et régionaux, de gauche comme de droite, qui sont hostiles à la réforme des collectivités territoriales. L’hostilité n’est pas suffisante, lutter contre est désormais nécessaire pour garantir les services, l’égalité et la démocratie. L’information doit être faite, et le sujet débattu le plus largement possible. Interpellons nos élus sur le sujet, mais aussi les citoyens. Certains qui se réfèrent à Jaurès, semblent ignorer ce qu’il disait : le principal apport de la Révolution est probablement l’instauration des 44 000 communes démocratiques. Il en reste aujourd’hui un peu plus de 36 000. Cette « instauration a mis en mouvement, en vibration, toutes les cellules, toutes les fibres de l’organisme social ».

Serge Fournier

Courrier des lecteurs
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