Les raisons des politiques

Le référendum, exigé par le PG, a ses partisans au PS, au PCF et à la tête des Verts. Tour d’horizon de leurs trois principaux arguments.

Michel Soudais  • 16 septembre 2010 abonné·es

L’idée d’un référendum sur les retraites fait son chemin. Le 7 septembre, de nombreux manifestants s’en faisaient l’écho en arborant un autocollant du Parti de gauche exigeant une telle consultation populaire. Deux jours plus tard, Ségolène Royal, qui s’exprimait après François Fillon dans l’émission « À vous de juger », sur France 2, s’est faite la porte-parole de cette demande. L’ex-candidate ­socialiste à l’élection présidentielle avait déjà fait cette proposition en mai, après avoir ouvert une « consultation populaire » sur le site de Désirs d’avenir. Elle la justifiait alors en expliquant qu’ « il n’y a pas aujourd’hui de réforme durable qui n’est pas appuyée sur un mouvement démocratique et sur une prise de parole des Français » .

Mais, jeudi dernier, la présidente de la région Poitou-Charentes a, comme souvent, été un peu vite en besogne en annonçant que « tout le Parti socialiste » prenait l’engagement de procéder à cette consultation en cas de retour au pouvoir en 2012. Le PS n’en a jamais discuté, et si certains se sont prononcés en ce sens, comme Pierre Mauroy, le Premier ministre qui a fait voter la retraite à 60 ans en 1982, ou Laurent Fabius, d’autres, à l’instar de Pierre Moscovici, refusent clairement toute consultation populaire. Sans parler de ceux qui, tel Henri Emmanuelli, n’ont rien contre cette idée mais ne sont pas prêts à en faire un mot d’ordre, persuadés que jamais le gouvernement et la droite « ne feront cette bêtise » puisqu’ « ils savent qu’ils perdront » . Convaincus qu’il n’est pas nécessaire d’être assurés de la victoire pour entreprendre, les pro-référendum continuent toutefois à pousser les feux en faisant valoir concurremment trois raisons.

Premier argument, fort : Nicolas Sarkozy n’a aucune légitimité pour conduire cette réforme. Ségolène ­Royal et Jean-Luc Mélenchon notamment l’ont souligné, en rappelant que le président de la République en convenait lui-même… il y a deux ans. Interrogé sur RTL, le 27 mai 2008, à propos d’une demande du Medef qui lui demandait de repousser à 63 ans et demi l’âge légal de départ en retraite, le chef de l’État avait fait cette réponse : « J’ai dit que je ne le ferais pas. Et pour un certain nombre de raisons. La première, c’est que je n’en ai pas parlé pendant ma campagne présidentielle. Ce n’est pas un engagement que j’ai pris devant les Français. Je n’ai donc pas de mandat pour cela. Et ça compte, vous le savez, pour moi. […] Je me suis engagé à faire et à mettre en œuvre tout ce que j’ai promis, je n’ai pas parlé des 63 ans et demi, donc je ne le ferai pas. » Dans son livre-programme, Ensemble (Fixot), le candidat avait ainsi promis, à la page 139, qu’il « ferait en sorte que le départ à la retraite soit un choix et non une obligation » . Et déclaré dans un entretien au quotidien le Monde (27 janvier 2007) : « Le droit à la retraite à 60 ans doit demeurer. »

Si Nicolas Sarkozy n’a donc aucune légitimité pour repousser l’âge du départ en retraite puisque les Français n’ont jamais voté pour la retraite à 62 ans, a contrario, la retraite à 60 ans résulte d’une décision du peuple souverain, martèle Jean-Luc Mélenchon : « Les Français ont voté sur le sujet » , affirme-t-il en rappelant que « la retraite à 60 ans était une mesure du Programme commun portée pendant toutes les années 1970, puis au cœur du programme du candidat Mitterrand en 1981 » . En votant pour lui, les Français ne pouvaient ignorer qu’ils votaient pour la retraite à 60 ans, ne serait-ce que parce que la droite y était opposée et le disait. Mais « les ouvriers qui étaient usés à 62 ou 63 ans attendaient ça comme le Messie » , se souvient Pierre Mauroy.

Le second argument est directement indexé sur l’importance de l’enjeu : trancher une question de civilisation mérite mieux qu’un débat à la sauvette. Favorable à une « appropriation collective » de la question, ce que réclame aussi Patrick Le Hyaric, directeur de l’Humanité, Cécile Duflot le dit sans détour : «  La question des retraites n’est pas qu’un débat technique, c’est un débat de société , déclarait la secrétaire nationale des Verts, dans le Journal du dimanche (30 mai). Il faudra parler des temps de vie, de la répartition entre les temps de scolarité, de formation, de travail et de retraite. Il faut renverser la logique. Aujourd’hui, les retraites sont vécues comme un coût, on ne parle jamais de l’apport des retraités à la société. »

Le troisième argument consiste à renvoyer au gouvernement la responsabilité de « la pagaille » dont la droite rend responsables les grévistes. « Si la dernière modification de la Constitution était passée en loi organique, nous pourrions proposer une pétition pour un référendum d’initiative populaire » , ironise Jean-Luc Mélenchon. Et dénouer par le vote un bras de fer préjudiciable aux grévistes comme à l’économie. L’article 11 de la Constitution modifiée par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 offre en effet la possibilité de soumettre un projet de loi à référendum, à l’initiative d’un cinquième des parlementaires (182 parlementaires) soutenus par un dixième des électeurs inscrits (environ 4,5 millions de signatures). Sauf que le gouvernement n’a jamais déposé au Parlement l’indispensable loi organique qui permettrait de concrétiser ce droit. Le rappeler, fût-ce à cette occasion, permet de montrer une fois encore la mystification du sarkozysme. Un régime de coup de force dont la matrice reste le non-respect du vote des Français de 2005 contre la Constitution européenne.

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Pourquoi il faut un référendum
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