Dans l’impasse

L’économie irlandaise s’est effondrée. Principaux responsables, la crise et les remèdes du FMI et de l’UE.

Thierry Brun  • 25 novembre 2010 abonné·es

C’est la loi des marchés financiers. Après la Grèce, sans oublier la Hongrie, la Roumanie et depuis peu le Portugal, la dette irlandaise explose à la suite de la crise financière de 2008. Ironie du sort, la dette colossale de l’Irlande est désormais la cible des spéculateurs, lesquels enfoncent le Tigre celtique, modèle du capitalisme libéral européen, en raison de sa fragilité économique et sociale.

L’Irlande doit en partie sa déroute à ses banques, ainsi qu’aux pertes sur les prêts hypothécaires qui ont dévasté certaines banlieues, comme outre-Atlantique. Mais son effondrement s’explique aussi par l’illusion du low cost économique : son coût du travail est des plus bas et la déréglementation du marché du travail la plus extrême. La course au dumping fiscal a attiré les multinationales et les capitaux, mais fragilisé l’État irlandais.

Ainsi, le paradis irlandais, au miraculeux taux de l’impôt sur les bénéfices des sociétés de 12,5 %, l’un des plus bas d’Europe, n’était qu’artificiel. Le modèle celtique prôné par ses dirigeants, tant de fois vanté par les libéraux européens, se voit désormais infliger un cinglant revers. En difficulté, l’État irlandais a demandé au Fonds monétaire international (FMI) et à l’Union européenne (UE) une aide de 90 milliards d’euros pour sauver ses banques. Et le « plan de sauvetage », issu de la même inspiration libérale, sera accompagné d’un ­nouveau plan d’austérité recommandé par les experts de l’UE et du FMI, qui coûtera cher aux Irlandais.

Un remède pire que le mal. Car les précédentes cures d’austérité se sont traduites par la réduction des emplois publics, salaires et aides sociales. Non sans conséquence. Entre 2008 et 2010, le PIB a chuté de 13 % et l’investissement direct de 52 %, la consommation de 15 %, pendant que le taux de chômage a grimpé de 14 % pour la seule année 2010. Le nouveau plan programmé sur quatre ans par un gouvernement en sursis passera de nouveau à la moulinette libérale le social, seule issue imposée par l’UE en échange d’une aide destinée à sauvegarder sa stabilité financière et celle de la zone euro.

L’amère potion administrée à l’Irlande prévoit de réduire de 15 milliards d’euros le déficit d’ici à 2014, soit 10 % du PIB. Elle obéit pour l’essentiel aux marchés financiers. Sitôt le plan d’aide connu, l’agence de notation Moody’s a indiqué qu’elle allait baisser de « plusieurs crans » la note souveraine de l’Irlande, ce qui aura pour effet immédiat de renchérir le coût de l’emprunt irlandais. Et de fragiliser un peu plus une zone euro partie sur de mauvaises bases. La crise irlandaise doit aussi beaucoup à une Banque centrale européenne dont le seul objectif est de lutter contre l’inflation pour satisfaire les mêmes marchés financiers et les détenteurs de rentes.

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