Tunisie : Ben Ali est parti

Politis.fr  et  AFP  • 14 janvier 2011 abonné·es
Tunisie : Ben Ali est parti
© Par Hamida BEN SALAH et Mohamed HASNI (AFP) Photo : FETHI BELAID / AFP

Le président Zine El Abidine Ben Ali, au pouvoir depuis 23 ans, a quitté vendredi la Tunisie après une contestation sans précédent de son régime, réprimée dans le sang. L’intérim est assuré par le Premier ministre sortant, Mohammed Ghannouchi.

Ce dernier a aussitôt lancé un appel à l’unité de tous les Tunisiens : « J’appelle les Tunisiens toutes sensibilités politiques et régionales confondues à faire preuve de patriotisme et d’unité » , a-t-il déclaré solennellement. Mohammed Ghannouchi s’est également engagé à respecter la Constitution. Un peu plus tôt, deux sources proches du gouvernement avaient annoncé le départ du chef de l’Etat à l’étranger. Son pays de destination n’était pas encore connu. Acculé vendredi par des milliers de manifestants, à Tunis comme en province, exigeant son départ immédiat, le président Ben Ali avait multiplié, sans succès, les annonces depuis jeudi pour tenter de mettre un terme à un mois d’émeutes et manifestations violemment réprimés par les forces de sécurité.

Cette répression avait fait des dizaines de morts, suscitant les plus vives inquiétudes de la communauté internationale.
Les manifestants exigeaient toujours le départ immédiat de Ben Ali, ne se satisfaisant pas de ses promesses, formulées jeudi soir, de quitter le pouvoir seulement au terme de son mandat, en 2014.
Le gouvernement tunisien a annoncé avoir décrété l’état d’urgence dans l’ensemble du pays avec un couvre-feu de 18h à 6h du matin, l’interdiction des rassemblements sur la voie publique et l’autorisation donnée à l’armée et à la police de tirer sur tout «suspect» refusant d’obéir aux ordres.

Un peu plus tôt, le Premier ministre Mohammed Ghannouchi, cité par l’agence officielle TAP, a indiqué que le président Ben Ali avait décidé «dans le cadre de mesures (d’apaisement) annoncées jeudi, de limoger le gouvernement et d’appeler à des élections législatives anticipées dans six mois» .
Le Premier ministre a ajouté avoir été chargé de former le nouveau gouvernement.
De violents heurts s’étaient produits dans l’après-midi entre des groupes de manifestants et des policiers anti-émeutes pendant lesquels un photographe français a été blessé à la tête par un tir de grenade lacrymogène, selon des journalistes de l’AFP sur place.

Les principaux partis d’opposition tunisiens, légaux comme interdits, avaient demandé vendredi «le départ de Ben Ali et l’instauration d’un gouvernement provisoire chargé dans les six mois d’organiser des élections libres» dans une déclaration commune publiée à Paris. «Je vous ai compris» , avait martelé le chef de l’Etat jeudi soir dans sa troisième intervention télévisée depuis le début des violences, appelant notamment les forces de sécurité à ne plus tirer à balles réelles sur les manifestants.

«Non à Ben Ali» , « soulèvement continu », «on préfère la disette à Ben Ali» lui ont répondu vendredi des centaines de manifestants dans la capitale, qui se sont rassemblés devant le ministère de l’Intérieur.
Mais dans l’après-midi, la police les dispersait à coup de grenades lacrymogènes. Des blindés de l’armée se sont déployés devant le ministère de l’Intérieur alors que des unités anti-émeutes pourchassaient des jeunes manifestants dans les escaliers d’immeubles résidentiels et dans un centre commercial, où ils se sont repliés.

Selon la Fédération internationale des ligues de droits de l’homme (FIDH), 66 personnes ont été tuées depuis le début des émeutes, mi-décembre. Jeudi soir, 13 civils ont été tués à Tunis et sa banlieue et deux autres à Kairouan, selon des témoins et des sources médicales.
Les violences ont par ailleurs commencé à affecter le tourisme après que des pillages se sont produits jeudi dans la station balnéaire très fréquentée de Hammamet.

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