Remember Clinton

Le discours de Barack Obama sur le Proche-Orient rappelle un souvenir cuisant pour les Palestiniens.

Denis Sieffert  • 26 mai 2011 abonné·es

Pour la première fois, Barack Obama s’est prononcé mercredi en faveur d’un État palestinien sur la base des frontières de 1967. Il a plaidé pour « le retrait complet et graduel des forces militaires israéliennes » . Cette nouvelle offensive diplomatique apparemment courageuse a immédiatement été critiquée par Benyamin Netanyahou, qui a exclu que « des centres majeurs de population israélienne en Judée-Samarie (Cisjordanie) se retrouvent de l’autre côté de la frontière » .

Mais le Premier ministre israélien a sans doute tort de s’offusquer. Car le discours de Barack Obama intervient dans un contexte particulier qui n’est pas sans rappeler celui de l’été 2000. À l’époque, les États-Unis tentaient de dissuader l’Autorité palestinienne de proclamer unilatéralement la création d’un État, comme Yasser Arafat en avait brandi la menace dès mai 1999. Bill Clinton avait alors promis un fort soutien américain à condition que l’Autorité palestinienne renonce à cette initiative.

Jeudi, Barack Obama a pareillement mis en garde les Palestiniens contre toute tentative « d’isoler symboliquement Israël aux Nations unies en septembre » . Cette tentative, a-t-il estimé, « ne créera pas un État indépendant » . La prudence était donc de mise, vendredi, en Palestine. Si le quotidien Al-Qods jugeait « positif le geste que les Palestiniens attendaient depuis des mois » , son éditorialiste s’interrogeait aussi sur la volonté américaine de faire barrage à la reconnaissance d’un État palestinien à l’ONU en septembre.

Barack Obama demanderait en quelque sorte aux Palestiniens de lâcher la proie pour l’ombre. L’autre quotidien palestinien, Al-Hayat al Jadida, observait pour sa part que le président américain n’avait jamais mentionné dans son discours l’extension des colonies avec 1 520 nouveaux logements dans deux quartiers de colonisation juive, dans la partie orientale annexée de la ville. Le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Mousa, a appelé les États-Unis à agir. « La question palestinienne est au centre de l’instabilité au Moyen-Orient » , a-t-il ajouté.

Manœuvre politique ou début d’une nouvelle offensive diplomatique ? Le discours de Barack Obama a en tout cas surpris tout le monde. Sa première offensive s’était achevée en déconfiture. En effet, le président américain avait essuyé un camouflet lorsque Benyamin Netanyahou avait rejeté sa demande de gel de trois mois de la colonisation. La plupart des observateurs s’accordaient à penser que Barack Obama n’évoquerait plus le dossier israélo-palestinien avant un éventuel second mandat. Le moment choisi, à la veille d’une rencontre à Washington avec M. Netanyahou, et surtout à trois mois d’une proclamation unilatérale d’un État palestinien par l’Autorité palestinienne, accrédite l’idée d’une manœuvre.

La lecture en filigrane du discours permet une lecture nettement moins avantageuse pour les Palestiniens. On peut surtout en retenir que les États-Unis s’opposeront à la reconnaissance de l’État par les Nations unies. À moins que le président américain accentue la pression sur Israël. On en revient là à la question des sanctions. Et ce serait vraiment une très grosse surprise qu’il se lance dans une telle aventure un peu plus d’un an avant l’élection présidentielle, pour laquelle il est d’ores et déjà en campagne.

Publié dans le dossier
Le regard américain
Temps de lecture : 3 minutes