Guérilla urbaine

Xavier Brunnquell  • 30 juin 2011 abonné·es

Tout dispositif de location de vélos à l’échelle d’une ville induit des aménagements, destinés à contrer une idée couramment partagée par les non-cyclistes : celle des dangers de la circulation à vélo en milieu urbain. Ainsi se développe la piste cyclable, sur chaussée ou sur trottoir, tantôt à droite, tantôt à gauche, parfois large, plus loin étroite, isolée par une bande séparative peinte au sol ou par une bande de granit de hauteur variable, indiquée par des trajectoires fléchées au sol, en contresens ou en exclusion de certains couloirs de bus, par un marquage au sol ou un panneau en hauteur…

La chaussée parisienne encombrée de mobilier urbain est particulièrement complexe. Mais la chaussée s’apparente à un réseau de plomberie dans la plupart des villes, un ensemble de « tuyaux » correspondant aux catégories particulières d’usagers : autos et motos, bus et taxis, vélos, piétons. Chacun chez soi.

Au premier carrefour, ça se complique : trajectoires croisées en diagonale, à vitesse et poids différents. La guerre des territoires est déclarée…
Supposée débarrassée du cycliste, la chaussée s’offre alors à la voiture, qui peut reprendre de la vitesse. Tandis que, vexé d’avoir été jeté de la chaussée, le cycliste se venge sur le piéton, obligé désormais de partager son trottoir. Une bande incrustée de 6 cm de large les sépare, non perceptible sous la semelle, casse-gueule sous le pneu. On se frôle, se ding-dingue, se hurle dessus au moindre empiétement.

Alors que la maîtrise de ce mode de déplacement magique (incroyable sentiment de stabilité avec seulement 2 cm2 de surface de contact au sol) exige une attention continue aux mouvements des plus carrossés que soi, ce dispositif sécuritaire vient troubler toute possibilité de libre arbitre. Chaque décision de conduite est désormais le fruit d’une négociation entre le système imposé et l’instinct du cycliste. Les capteurs ultrasensibles qui s’allument dans le cerveau de celui-ci rendent pourtant superflus et même dangereux trop de signalétique et de codes imposés.

On rêve d’une chaussée dépouillée, faisant confiance à ses usagers. Concentration et habileté retrouvées… Une chaussée qui suggère de prendre soin les uns des autres, non par obligation, mais par nécessité et conviction. Alors le vélo en partage serait vraiment un progrès décisif dans la ville.

Publié dans le dossier
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