Gaz de schiste, c’est reparti

Le moratoire sur la recherche d’hydrocarbures non conventionnels est menacé. Les opposants reprennent la contestation.

Patrick Piro  • 5 avril 2012 abonné·es

On attend plus de 2 000 personnes à La Seyne-sur-Mer, dimanche prochain, pour protester contre les projets d’exploration du gaz de schiste dans le Var et les départements voisins. « Les nerfs sont à vif, nous ne sommes au courant de rien, le ministère de l’Écologie se contente de répondre que nous “serons avertis”… », rapporte Michel Berthelot, l’un des animateurs du collectif Stop au gaz de schiste-83. D’autres manifestations sont prévues en France dans les semaines à venir (1).

Pourtant, la contestation de 2011 avait débouché sur la loi du 13 juillet dernier bannissant l’usage de la fracturation hydraulique (injection d’eau sous forte pression) pour l’extraction d’huile et de gaz de schiste. Cette technique étant la seule opérationnelle à ce jour, la loi a mis de facto un coup d’arrêt aux projets en cours.

Cependant, les industriels et le gouvernement n’ont pas désarmé : la loi laisse en effet une porte ouverte aux « recherches » sur ces hydrocarbures non conventionnels. Un nouveau rapport (2), rendu fin mars aux ministères de l’Industrie et de l’Écologie, vient confirmer les craintes des opposants : les auteurs, convaincus que les craintes nées des excès constatés aux États-Unis (un million de puits, des pollutions…) sont infondées en France, présentent un programme visant à identifier le potentiel du sous-sol français. Principales préconisations : commencer par le Bassin parisien, où les puits de pétrole existants faciliteront la collecte de données, et déterminer « les conditions à respecter pour rendre la fracturation hydraulique […] sans risque » – pour utilisation possible vers 2013, après modification de la loi. Le pilotage du programme serait confié à une commission nationale d’orientation ad hoc, qui vient d’être créée pour délivrer des avis au Parlement et au gouvernement.
Selon les rapporteurs, des industriels semblent prêts à suivre. Faut-il en douter ? Une douzaine de nouveaux permis sont actuellement en cours de délivrance pour le Bassin parisien, probablement pour mener ces fameuses « recherches » sur la présence d’hydrocarbures de schiste. « Stupéfaction » de Stéphane Gatignon, maire de Sevran (EELV), dans un communiqué du 27 mars : « Aucun élu local n’a été informé au préalable. […] Le gouvernement parie sur l’essoufflement des mobilisations. »

Le 8 avril, à la Seyne-sur-Mer, on compte bien démontrer que c’est un espoir vain. La conclusion de l’instruction du dossier du gigantesque permis d’exploration de gaz de schiste de Brignoles serait imminente. 235 communes sont touchées, dont la moitié dans le Var, où près de 90 maires ont signé des arrêtés visant à entraver d’éventuelles opérations de recherche ou d’exploration (3) – restriction de la circulation des poids lourds, de l’usage de l’eau, de l’injection de produits chimiques…

Conjointement, on attend d’ici au 11 avril que le ministère de l’Industrie se prononce sur l’exploration pétrolière en eaux profondes, à quelques dizaines de kilomètres du parc national de Port-Cros, du sanctuaire de mammifères marins Pelagos et du futur Parc des calanques. Alors que deux autorisations ont déjà été délivrées pour ce permis « Rhône Méditerranée » depuis 2002, pour des sondages ­sismiques, la nouvelle demande porte désormais sur un forage. « La raréfaction des hydro­carbures conventionnels pousse à des recherches de plus en plus risquées », souligne Estelle Tardy, du Collectif Causse Méjean d’opposition au gaz de schiste. Des militants et des chercheurs craignent que les ondes acoustiques utilisées pour les sondages ne perturbent gravement les cétacés.

Aujourd’hui, les écologistes agitent le spectre d’une marée noire similaire à celle du golfe du Mexique après l’explosion de la plate-forme Deepwater Horizon en 2010. « Dans une mer fermée comme la Méditerranée, on n’ose pas imaginer les conséquences… », commente Michel Berthelot.

Écologie
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