Homosexualité : la loi doit changer, et donc le Président !

Willy Pelletier  et  Caroline Mecary  • 12 avril 2012 abonné·es

On mesure le degré d’une civilisation à la manière dont elle traite ses minorités, soutenait Gandhi. Quel regard aurait porté cet activiste pacifique sur la civilisation du « président des valeurs » ? Cette dernière repose sur un principe simple : il y aurait dans notre pays des citoyens légitimes à être ce qu’ils sont et puis les autres, tous les autres, les chômeurs, les immigré-es, les assisté-es, les fonctionnaires profiteurs, les génétiquement dangereux, les musulmans, les mineurs délinquants, les grévistes réactionnaires, les fraudeurs à la Sécurité sociale… et les homosexuel-les.
D’ailleurs, en 2007, en pleine campagne ­présidentielle, si le candidat Sarkozy avait suggéré de mettre en place un contrat d’union civile et un statut du beau-parent, il n’avait pas masqué sa conception, disons étrange, de l’homosexualité, laissant sous-entendre une prédétermination par les gênes. Partant de là, pas surprenant qu’aucune mesure progressiste n’ait été adoptée durant le quinquennat et qu’en 2012 son programme soit totalement muet sur cette question.

La position du président-candidat a pour soubassement une vision hiérarchique de la société. Car asséner et répéter qu’il n’est pas favorable au mariage et à l’adoption pour les lesbiennes et les gays, c’est refuser à près de 300 000 familles homoparentales une égalité de traitement juridique. C’est leur refuser l’accès à l’universalité de la loi républicaine. Comme les 3,5 millions d’homosexuel-les qui vivent en France ont moins de droits que les hétérosexuel-les, de facto se trouve alimenté cet imaginaire sinistre qui sous-entend qu’ils valent moins. Les conserver sous-citoyens flattera certes ceux qui, à l’extrême droite, les perçoivent sous-hommes. Mais entre 150 000 et 300 000 enfants qui n’ont légalement qu’un seul parent demeurent dans l’insécurité juridique, quand chaque jour un couple les entoure d’affection.

Cette infériorité politique n’est pas sans conséquences. Les actes et propos homophobes s’en trouvent encouragés. Certains ont une issue dramatique. Pour ne citer qu’un sinistre exemple, on rappellera qu’un jeune homme a été torturé, un soir de l’année 2006, à Vitry-sur-Seine, en raison de son homosexualité, dixit ses quatre tortionnaires, condamnés depuis par la cour d’assises de Créteil.
De 2009 à 2010, le nombre d’agressions dont sont victimes les homosexuel-les a fait un bond de 44 %. En fait, 48 % des gays ont eu à subir des insultes homophobes et un sur sept a été victime d’agressions physiques.

En quoi le mariage gay pourrait-il être pire que cela, pire que l’exclusion et la barbarie ? Qu’a-t-on à redouter ? Dix pays européens ont déjà ouvert le mariage et l’adoption à tous les couples, ont-ils basculé dans le chaos ?
Nos concitoyens l’ont bien compris, qui très majoritairement se disent favorables au fait que les homosexuel-les bénéficient enfin des mêmes droits civiques.
La décision rendue le 15 mars dernier par la Cour européenne des droits de l’homme, qui a considéré qu’un enfant élevé par un couple de femmes ne subissait pas de discrimination, alors que cet enfant n’a en France juridiquement qu’un seul parent, nous montre les limites du débat judiciaire, qui est, à ce niveau, dépendant de considérations politiques : la peur de la Cour européenne d’être désignée comme un « gouvernement des juges », par exemple, à un moment où ses pouvoirs sont fortement remis en question par certains États européens.

Que faire alors ? Les 3,5 millions d’homosexuel-les doivent voter en sachant quel avenir leur est promis. Chacun a le choix. Soit continuer à n’être qu’un-e sous citoyen-ne et demeurer dans une infériorité politique et juridique en optant pour l’un des représentants de la droite. Soit décider d’en finir une fois pour toutes avec cette conception hiérarchique des sexualités. Et advenir, enfin, au rang de citoyen de plein droit en votant pour l’un des partis de gauche, chacun s’étant solennellement engagé à mettre fin à la discrimination qui frappe les homosexuel-les depuis tant d’années. Nous saurons si besoin le leur rappeler.

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