Autour de la case prison

François Chilowicz a suivi durant quelques années le parcours de six condamnés. Une trilogie exceptionnelle.

Jean-Claude Renard  • 7 février 2013 abonné·es

Filmé depuis une voiture de police, un flagrant délit de roulottage durant la nuit. Interrogatoire, comparution immédiate. Trois   mois ferme. Puis le greffe, un numéro d’écrou, la fouille, la geôle. Après quoi, une autre interpellation pour cambriolage. Audition au bureau de police. Échange de données. Des heures de garde à vue qui s’additionnent. Aussi sec le centre pénitentiaire. Et les formalités d’écrou. Prises d’empreintes. Le lendemain, transfert au palais de justice pour une comparution immédiate. Où se décline encore l’itinéraire d’une existence, au casier judiciaire chargé. Le tribunal renvoie l’affaire, ordonne un suivi psychiatrique et maintient un mois de maison d’arrêt. L’accusé écopera d’un an de prison. Tombe un interrogatoire pour une tentative de viol, requalifiée en « agression sexuelle ». Éclats de sperme « là où il n’a rien à faire », s’exclame la juge. Mandat de dépôt, suivi d’une audience avec la directrice adjointe de la maison d’arrêt, où s’exprime le mal-être du condamné. Autre cambriolage encore. Avec ce détail : l’accusé, un SDF ivre, a déféqué dans la baignoire, à côté des toilettes. Six mois ferme.

François Chilowicz a ainsi filmé le parcours d’une poignée de condamnés (toujours saisis de dos), depuis leur arrestation jusqu’à leur fin de peine. Soit quatre années de tournage, au fil des cas et des autorisations. Sous la caméra passent les auditions, les jugements, la détention. Entrée et sortie de taule. Restituant jusqu’au fond sonore des maisons d’arrêt, bruits de trousseaux, hurlements, échanges verbaux continus. L’image se veut sèche, sans artifices, sans se priver non plus de sens comique, au détour d’une situation. Aucun commentaire, nulle voix off. Le réalisateur use seulement de quelques bancs-titres pour préciser le contexte, ajoute une pincée d’images animées (qui vont de la garde à vue à la case prison), toujours dans un souci pédagogique, étiré sur trois fois 80 minutes : « Entrer en prison » ; « Rester en prison » et « Revenir en prison », ou, du moins, tenter d’échapper à la récidive.

Produit par Agat Films ( 9 m2  ; Grèves à la chaîne ), Belota et France Télévisions, Hors la loi offre ce qui peut se faire de mieux en matière documentaire. Une forme irréprochable (sinon, ici et là, un accompagnement musical qui ne s’impose pas), une simplicité exemplaire au service d’un propos. Rendre compte, à travers quelques cas, de la justice en France, avec ses différents lieux, ses étapes, avant de s’interroger sur le sens de la prison, principalement pour les courtes peines. Qu’est-ce qu’on y fait à l’intérieur, comment prépare-t-on (ou pas) sa sortie, comment envisage-t-on la réinsertion, comment appréhende-t-on la durée de la peine au regard du délit ? Le toutim en images. Sobrement.

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