Nouvelle provocation israélienne

L’annonce de nouvelles constructions à Jérusalem-Est met la communauté internationale en face de ses contradictions.

Denis Sieffert  • 6 novembre 2014 abonné·es
Nouvelle provocation israélienne
© Photo : AFP PHOTO / MENAHEM KAHANA

Apparemment, nous sommes dans l’irrationnel. Les États-Unis de Barack Obama et de John Kerry n’ont pas manqué au cours de ces dernières années de critiquer la colonisation des territoires palestiniens par Israël. Et, récemment encore. Mais lorsque l’État hébreu rend public un nouveau projet de constructions, et après l’habituel communiqué d’admonestation de Washington, on fait savoir, à la Maison Blanche et au Département d’État, que l’on mettra un veto à toute résolution palestinienne visant à tracer les frontières entre les deux États. C’est encore ce qui s’est produit lundi, après que le ministère israélien de l’Intérieur eut donné son feu vert à la construction de 500 logements à Jérusalem-Est, partie palestinienne de la ville, annexée illégalement par Israël. Le principal négociateur palestinien, Saëb Erekat, a estimé à juste titre que cette décision « constituait un camouflet pour le secrétaire d’État John Kerry, pour la communauté internationale, pour le peuple palestinien et pour la paix ». M. Erekat a souligné que l’annonce du gouvernement israélien était intervenue au moment même où il rencontrait le secrétaire d’État américain. Cela dans un contexte très tendu, où la ville de Jérusalem est arrivée, a-t-il dit, à « un point d’ébullition », notamment après la tentative de fermeture de l’esplanade des Mosquées aux fidèles palestiniens.

Mais alors que le sort du conflit se joue aussi sur un autre terrain, puisque la question palestinienne est actuellement en débat à l’Assemblée générale de l’ONU, les États-Unis ont d’ores et déjà indiqué qu’ils mettraient leur veto à la résolution proposée par Mahmoud Abbas, le Président de l’Autorité palestinienne. Une résolution qui prévoit de fixer une date butoir, dans deux ou trois ans, pour la fin de l’occupation israélienne. Le double langage américain trouve évidemment son explication dans la faiblesse, pour ne pas dire l’impuissance politique, de Barack Obama, ligoté par le Congrès. Mais, plus profondément, c’est évidemment la puissance des organisations juives et les pressions de l’American Israel Public Affairs Committee (Aipac) qui sont déterminantes. On sait que l’une des missions officielles de l’Aipac est précisément d’assurer le veto des États-Unis au Conseil de sécurité de l’ONU face à toute résolution critiquant Israël.

Un troisième paramètre intervient dans le bras de fer avec Israël : l’action des Européens. Les Palestiniens mènent actuellement une campagne pour obtenir la reconnaissance de l’État palestinien par un maximum de pays. Cent trente-quatre l’auraient déjà reconnu. Mais la décision récente du nouveau gouvernement suédois et le vote du Parlement britannique ont eu évidemment un impact particulier, suscitant la colère du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. Le ministre israélien des Affaires étrangères, l’ultra-droitier Avigdor Liberman, jamais avare de vulgarités, a même ironisé sur le fait que « la situation était plus compliquée qu’une fourniture Ikea ». Devant cette impasse, on attend avec impatience de connaître la position française. Les parlementaires d’EELV, à l’initiative de la sénatrice Esther Benbassa, et ceux du Front de gauche ont demandé que la France se prononce pour la reconnaissance de l’État palestinien. Si le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a donné quelques signes positifs, c’est le silence du côté de l’Élysée. On connaît l’engagement idéologique de François Hollande sur ce dossier, et, plus encore, celui de Manuel Valls. Ce qui laisse augurer d’un débat difficile. Du côté de l’opposition, Alain Juppé s’est prononcé pour une reconnaissance conjointe par l’Union européenne. L’avantage des propositions de résolutions déposées notamment au Sénat, c’est au moins de porter ce débat sur la place publique. En tout cas, chacun a compris que l’enjeu était désormais tout simplement l’avenir de la solution à deux États, bientôt rendue impossible par la colonisation galopante. Une fois que ce constat sera établi, le conflit plongera dans l’inconnu, c’est-à-dire, très probablement, dans la violence.

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