PS: La bataille du congrès aura-t-elle lieu ?

L’aile gauche du parti s’est réunie en meeting samedi dernier à l’initiative du collectif Vive la gauche. Mais elle a bien du mal à se prononcer sur une stratégie d’avenir.

Pauline Graulle  • 4 décembre 2014 abonné·es
PS: La bataille du congrès aura-t-elle lieu ?
© Photo : Michel Soudais

Un rassemblement de plus, ou le premier acte de la bataille du congrès ? Difficile de savoir quel était l’objectif du meeting organisé samedi dernier par l’aile gauche du PS, dans un gymnase situé à deux pas de la tour Montparnasse. À l’origine de l’événement, le collectif Vive la gauche, qui voulait faire de cette journée un temps fort médiatique. Mais, étrangement, le programme a été décidé à la dernière minute – le matin même. Et, à écouter les interventions des huiles socialistes, qui pour beaucoup se perdaient en généralités à la tribune, on imagine que les quelque 500 militants qui s’étaient déplacés n’ont pas bien saisi où les organisateurs voulaient en venir.

Rien d’étonnant à cela. Car Vive la gauche, en plein doute sur son avenir, cultive le flou. Le collectif, né cet été à La Rochelle, doit-il demeurer le simple réceptacle de socialistes ulcérés par la politique gouvernementale ? Ou se transformer en une machine de guerre capable de s’opposer au tournant libéral en cours ? Avec le congrès du PS en juin prochain, il a l’occasion unique de se faire entendre. Les députés dits frondeurs y trouveraient une voie supplémentaire pour peser sur le quinquennat de François Hollande. À une condition : se rassembler derrière une motion large et autonome, apte à croiser le fer avec la direction actuelle. Mais voilà… Entre l’imprévisibilité du contexte politique et électoral, les divergences au sein même de Vive la gauche et la question du leadership en interne, l’aile gauche n’a pas fini de tergiverser. Un énième signe de pusillanimité, grinceront ceux qui ne pardonnent pas aux frondeurs de s’être abstenus sur le vote de confiance au gouvernement Valls, le budget ou les retraites, alors qu’ils auraient pu voter contre. « Il est encore trop tôt pour se prononcer sur notre stratégie pour le congrès », avance Laurent Baumel, député d’Indre-et-Loire, qui affirme qu’une décision sera prise, mais après les cantonales de mars prochain. La rumeur circule qu’après ces élections, qui promettent d’être un nouveau coup dur pour la gauche, François Hollande pourrait nommer Claude Bartolone, moins droitier que Manuel Valls, à Matignon. Lequel ferait, pourquoi pas, revenir les Verts au gouvernement. Avec un double avantage : casser les possibles alliances EELV-Front de gauche aux prochaines régionales de décembre 2015. Et tuer dans l’œuf la fronde redoutée au congrès. « Si ce remaniement a lieu, ce sera juste avant le dépôt des motions [au plus tard, le 18 avril], croit ainsi savoir un cadre socialiste. Le réflexe légitimiste va alors l’emporter, et l’aile gauche, qui soutiendra “Barto”, refusera de déposer une motion. »

Une hypothèse en forme de bégaiement de l’histoire. Au congrès de Toulouse, en 2012, le courant de Benoît Hamon, Un monde d’avance (UMA), s’était rangé derrière la motion majoritaire. Laissant à trois transfuges, Emmanuel Maurel, Marie-Noëlle Lienemann et Jérôme Guedj, la charge d’une opposition interne a minima … et la création d’un nouveau courant à la gauche d’UMA, Maintenant la gauche (MLG). « Si on ne fait pas de motion, ce sera une catastrophe pour le PS, estime Liêm Hoang Ngoc, ancien député européen socialiste (et chroniqueur « économie » à Politis ). Si l’aile gauche perd le congrès, on va se retrouver obligés d’assumer le bilan de Hollande. » Ou de quitter le parti ? L’autre scénario, celui d’un rassemblement de l’aile gauche dans une motion unique, semble également assez aventureux. D’abord, parce que Vive la gauche, où se retrouvent aussi bien des ex-strauss-kahniens que la frange de socialistes écolos-décroissants qui s’étaient rassemblés derrière la motion de feu Stéphane Hessel en 2012, pourrait rapidement buter sur l’hétérogénéité de ses composantes. Porte-parole d’UMA, Guillaume Balas se dit convaincu « qu’on ne pourra pas se retrouver autour d’une motion gloubi-boulga autour de Cambadélis [le premier secrétaire, NDLR]  ». Mais il en est aussi conscient : rassembler de Marie-Noëlle Lienemann à Martine Aubry, et derrière un texte vraiment ancré à gauche, relève de la gageure. Même son de cloche chez Martine Chantecaille, membre du conseil national du PS et membre de MLG : « Si la ligne est trop floue, nous n’en serons pas. »

Autre difficulté : qui serait le premier signataire d’une motion de l’aile gauche ? La guerre pourrait faire rage entre Emmanuel Maurel et Benoît Hamon, voire Martine Aubry si elle se décidait à franchir le pas. L’animateur de MLG serait certes le choix de la cohérence, mais il souffre d’un déficit de notoriété. Quant à Benoît Hamon, qui ne se déplace jamais sans une nuée de caméras, et seul orateur à avoir imposé le silence complet dans le gymnase samedi dernier, il a pour autre avantage d’être le chef historique du courant d’où sont issus la majeure partie des parlementaires frondeurs. Gros point faible, toutefois : « Sa décision de participer au gouvernement Valls a troublé, y compris au sein de ses troupes », souligne Martine Chantecaille. À la tribune, samedi, Benoît Hamon avait en tout cas de nouveau enfilé son costume de chef de l’opposition interne. Affirmant son désir que le congrès « augure d’un nouveau cycle politique », il annonçait aussi qu’il ferait – mais plus tard – des propositions concrètes à François Hollande afin « qu’au terme du quinquennat on puisse associer la gauche à une conquête sociale ». « C’est pourtant le moment de le faire » ironisait de la salle le remuant Gérard Filoche (MLG). Puis l’ex-ministre d’entonner le refrain du « rassemblement de la gauche », « clé [de la victoire] pour 2017 ». Quelques minutes plus tard, Emmanuel Maurel, lui aussi très applaudi, ajoutait, comme une adresse à son ancien camarade d’UMA, que le rassemblement ne pourrait se faire que sur « le contenu ». Mais Benoît Hamon avait déjà filé.

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