En Grèce, l’austérité au programme

Le gouvernement envisage de baisser les retraites et abandonne son plan d’aide aux plus démunis. Correspondance, Angélique Kourounis.

Angelique Kourounis  • 13 janvier 2016 abonné·es
En Grèce, l’austérité au programme
© Photo : GOULIAMAKI/AFP

Il y a presque un an, le mot d’ordre en Grèce était « le 25 on vote, le 26 ils [les conservateurs] dégagent ». Et le 27, chacun disait ce qu’il voulait faire : trouver du travail, repeindre sa maison, changer de canapé… c’était l’euphorie. Les Grecs se voyaient en grands timoniers du changement social. Ils pensaient sincèrement que leur vote en faveur de Syriza, le parti de la gauche radicale, pouvait changer l’Europe et mettre fin à l’austérité.

Aujourd’hui, deux scrutins et un référendum bafoué plus tard, c’est le désespoir qui guette car le pire est à venir. Les privatisations abandonnées à l’arrivée de Syriza sont de nouveau à l’ordre du jour, avec en prime l’engagement du gouvernement grec de lever toutes les lois de protection de l’environnement qui pourraient bloquer ou retarder la vente des biens publics ; la loi présentée sur la réforme des retraites annonce des baisses inouïes des pensions ; et, enfin, le programme parallèle du gouvernement Tsipras, qui devait faire face à la « crise humanitaire » causée par l’austérité, est stoppé net par les créanciers. Concernant les retraites, il s’agit d’un véritable massacre. Le système actuel, très compliqué, va être simplifié. But de l’opération : faire baisser ces retraites, l’un des postes les plus lourds du budget national, de 1 % du PIB, soit plus d’un milliard et demi d’euros. Concrètement, sur une pension brute de 750 euros par mois – soit 80 % des deux millions de retraités –, la baisse sera de 15 %. Pour le reste de la population, celle qui est active mais délaissée, Alexis Tsipras a dû abandonner le programme parallèle qui devait compenser les mesures d’austérité adoptées en juillet dernier lorsqu’il a signé, à la surprise générale, pour un troisième plan d’austérité. Selon les médias grecs, c’est l’Euro Working Group qui a mis dans la balance le milliard d’euros qu’attend la Grèce depuis des mois. Dans les rangs de Syriza, qui gouverne avec le parti de la droite souverainiste Anel, c’est la consternation. « Je ne pensais pas qu’un gouvernement de gauche qui a demandé et obtenu le soutien de la rue irait aussi loin dans le déni de soi », souligne Antonis, 35 ans, informaticien au chômage, véritablement sous le choc.

C’est que ce programme parallèle était une planche de salut pour les 30 % de Grecs exclus du système de santé et le tiers de la population qui est sous, ou tout proche du seuil de pauvreté. Exit donc les cartes d’approvisionnement de nourriture, les tarifs spéciaux pour le chauffage, la santé gratuite, les classes de soutien, les soupes populaires de l’État, les cartes de transport à tarif réduit. Selon les médias grecs, ce programme a été évalué par l’Euro Working Group à un milliard d’euros. Un coût surévalué si l’on se réfère au programme prévu pour faire face « à l’urgence humanitaire » qui avait été estimé par Syriza à 200 millions d’euros. Le gouvernement grec affiche un excédent budgétaire primaire de 4,4 milliards d’euros contre un objectif fixé de 2,6 milliards. On pourrait penser qu’avec cet excédent le programme pour les plus démunis est assuré. Mais le gouvernement est obligé de verser 25 % des excédents dégagés au remboursement de la dette. D’où la priorité d’Alexis Tsipras d’ouvrir le débat sur la dette. D’où aussi les bouchées doubles mises pour trouver des alliés et mener à son terme la réforme des retraites, laquelle devrait être votée d’ici à la fin janvier, et représente le dernier obstacle avant de s’attaquer à la dette souveraine. Mais il n’est pas dit que le gouvernement survivra à ce vote des plus incertains.

Monde
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

Des deux côtés de l’Atlantique, la social-démocratie n’est jamais finie (mais c’est pas jojo)
Analyse 6 juin 2025

Des deux côtés de l’Atlantique, la social-démocratie n’est jamais finie (mais c’est pas jojo)

Les gauches sont bien à la peine à l’échelle mondiale. Trop radicales, elles perdent. Les moins radicales sont diabolisées. Toutes sont emportées dans un même mouvement. Pourtant, dans un monde où les vents de l’extrême droite soufflent fort, la social-démocratie n’a pas encore perdu la partie.
Par Loïc Le Clerc
À Gaza, « les enfants sont en train d’être exterminés »
Entretien 4 juin 2025 abonné·es

À Gaza, « les enfants sont en train d’être exterminés »

Khaled Benboutrif est médecin, il est parti volontairement à Gaza avec l’ONG PalMed. La dernière fois qu’il a voulu s’y rendre, en avril 2025, Israël lui a interdit d’entrer.
Par Pauline Migevant
Avoir moins de 20 ans dans la bande de Gaza
Récit 4 juin 2025 abonné·es

Avoir moins de 20 ans dans la bande de Gaza

Plus de 50 000 personnes au sein du territoire enclavé ont été tuées ou blessées par l’armée israélienne depuis le 7-Octobre. Mais le sort des survivants doit aussi alerter. Privée d’éducation, piégée dans un siège total au cœur d’une terre dévastée, toute la jeunesse grandit sans protection, sans espoir.
Par Céline Martelet
En France, la nouvelle vie des enfants de Gaza
Témoignages 4 juin 2025 abonné·es

En France, la nouvelle vie des enfants de Gaza

Depuis le début de la guerre dans l’enclave palestinienne, les autorités françaises ont accueilli près de cinq cents Gazaouis. Une centaine d’autres ont réussi à obtenir des visas depuis l’Égypte. Parmi ces réfugiés, une majorité d’enfants grandit dans la région d’Angers, loin des bombardements aveugles de l’armée israélienne.
Par Céline Martelet