Résumé de la première journée du rassemblement annuel pour Notre-Dame-des-Landes

Patrick Piro  et  Ivan Capecchi  et  Vanina Delmas  et  Chloé Dubois (collectif Focus)  • 8 juillet 2016
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Résumé de la première journée du rassemblement annuel pour Notre-Dame-des-Landes
© Photo : JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP.

Le 26 juin, les habitants de Loire-Atlantique ont voté Oui à 55% au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Les opposants, qui dénoncent un scrutin joué d’avance, n’ont pas dit leur dernier mot. Suivez en direct le déroulé des événements du rassemblement annuel qui a lieu du 9 au 10 juillet, sur le site de la ZAD.

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• 23h : lâcher de lanternes en hommage à Rémi Fraisse, 21 ans, tué dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014 par un gendarme, à Sivens.

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• 17h -19h : Suite du mouvement anti-aéroport et quel avenir pour la ZAD

D’habitude, les réunions inter-comité de soutien s’étalent sur un ou deux jours. Aujourd’hui, ce sera seulement deux heures. Mais en public. Et quel public ! Le petit chapiteau 7 explose littéralement car on y discute de l’avenir de la ZAD. La menace du gouvernement d’évacuer le site à l’automne trotte dans la tête de tout le monde.

« On était sûr qu’ils n’interviendraient pas cet été puisqu’ils prévoyaient l’université du PS à Nantes, confie l’un des zadiste. Mais on reste méfiants. » Au-delà des recours juridiques toujours en cours, les réflexions sur les modes d’action directe se précisent dans l’idée de les dissuader de venir. La cible numéro 1 : le gouvernement.

Les idées fusent, des plus farfelues aux plus radicales : profiter de l’état d’urgence pour lancer des alertes à la bombe, attaquer les forces de l’ordre avec des lance-pierre et de la peinture, blocage des autoroutes Vinci, prévoir des hangars au bord de la ZAD pour accueillir les soutiens de l’extérieur – opération baptisée « Hangar games » par une participante.

Sur la ZAD, le collectif de la Rolandière réfléchit à mettre en place des formation à la désobéissance civile tous les week-end à partir du mois d’août pour s’entraîner et surtout se tenir près, à Notre-Dame-des-Landes et ailleurs. Une date clef commence à émerger : le week-end du 8 et 9 octobre et devrait être officiellement annoncée dimanche, lors de la clôture du rassemblement, par la coordination. Certains notent déjà le rendez-vous dans leur agenda.

La pire des choses serait d’attendre leur venue. Il faut inscrire ça dans notre propre temporalité, alerte l’un des habitant de la ZAD. Et surtout, il ne faut pas s’attendre à une opération César bis car l’ennemi ne fait jamais deux fois la même erreur. Il faudra réagir beaucoup plus fort !

Les comités de soutiens locaux commencent à élaborer des plans d’intervention, les mettre à jour. Tout comme les paysans de COPAIN. Suffit juste de coordonner le tout. « Si à chaque carrefour, il y a 200 à 300 personnes, ça fera déjà son effet, affirme un militant. Et si les flics sont là avant nous, on les entoure et ils n’aiment pas trop être pris en sandwich. »

« La presse libre, un outil indispensable pour les luttes »

Politis était présent mais sur l’estrade cette fois-ci. Patrick Piro a tenté de répondre à la question : « Mais au fait, c’est quoi une presse libre ?», avec ses confrères Alexandre Penasse de Kairos, Pierre Thiesset de La Décroissance et Nolwenn Weiler, de Bastamag.

• 15h -17h : Compte rendu de la conférence « Revisiter l’installation agricole » :

Le Collectif des organisations professionnelles agricoles – plus connu sous le nom COPAIN -, est un soutien important au mouvement d’opposition de NDDL. Ces agriculteurs sont confrontés au quotidien aux normes et aux cadres institutionnels. « Comment peut-on faire venir les jeunes dans l’agriculture ?, questionne Mylène, occupante de la ZAD. Le cadre institutionnel agricole ne fait plus rêver.» Cet après-midi, les témoignages peignent la réalité de l’agriculture alternative. Extraits.

« En Normandie, des espaces tests ont été mis en place à l’initiative du parc naturel du Perche. Mais depuis que nous avons connu un basculement politique et une fusion de région, le Conseil régional remet un peu les pieds dans le plat. Aujourd’hui, il y a le risque que cette dynamique soit reprise par la chambre d’agriculture, ce qui signifierait une mise en danger de ces dispositifs d’aide. »

« En Auvergne, le foncier se libère mais on a du mal à trouver des gens qui veulent s’installer. Ce refus est sûrement dû à une image dévalorisée du métier d’agriculteur, et peut-être qu’on est un peu fautifs. Je pense que nous devrions être plus nombreux à choisir de laisser de la surface et à soutenir l’installation des jeunes, quitte à avoir une moins bonne retraite. »

« Je me suis officiellement déclaré maraîcher sur la ZAD et la sécurité sociale agricole (MSA) m’a reconnu comme tel. Alors c’est possible. Ce qui m’a séduit, c’est l’appel de Sème ta ZAD. Avant, j’étais ouvrier agricole et je me sentais déjà paysans. Mais aujourd’hui, je m’inscris dans une lutte. Et je rêve qu’on organise plus d’occupations de terres, à l’extérieur de la ZAD. »

Compte rendu de l’atelier « Comment je suis tombé dans la désobéissance civile » :

Organisé par deux militants adeptes de la « désobéissance civile », l’atelier participatif a tout simplement proposé à l’assemblée de réfléchir à la notion même « d’insubordination ». Réunis par groupe de six, les participants ont pu proposer, selon leurs expériences individuelles ou collectives, leur propre définition de la « désobéissance civile ».

Bien souvent considérée comme une initiative militante ou en accord avec des valeurs personnelles, la notion de désobéissance est avant tout apparue comme un « choix éthique » face « à l’ordre établi ». « Sortir de la masse, prendre la parole et interpeller le pouvoir en place », propose l’un des groupes. D’autres suggèrent au contraire de s’interroger avant tout sur ce qu’est vraiment « l’obéissance civile », avant de se demander si nous devions faire la « promotion de la désobéissance civile ».

« Refus de l’autorité, volonté d’émancipation, la désobéissance civile arrive au moment où l’on n’accepte plus, que l’on craque », souffle une autre jeune femme. Puis, les militants ont raconté leurs propres expériences. Occupations, refus de laisser la mairie évacuer un camp de Rom ou de migrants, laisser cinq minutes de plus à la récréation, faucheurs de chaises à la BNP Paribas contre l’évasion fiscale, renvoi des papiers militaires, le vécu des uns et des autres s’est partagé dans les rires et l’envie, salué sur l’emblématique Zone à défendre de Notre-Dame-des-Landes.

• 13h -15h : Compte rendu de la conférence « Contre l’arnaque de la démocratie : la construction chaotique de l’autonomie sur la ZAD »

Dans le chapiteau « Agora », quelques habitants de la ZAD racontent la «construction chaotique de l’autonomie » sur leur lieu de vie et leur façon de penser la démocratie. Les prises de décisions, les conflits, l’accès aux informations… Leur façon de vivre commence à prendre forme dans l’esprit des participants.

Au cœur de cette discussion : « l’arnaque démocratique ». Car l’organisation des zadistes démontre que cela peut fonctionner sans ce cadre institutionnel. « Le système actuel repose sur la délégation du pouvoir à une classe dominante comme si le peuple était trop con pour s’occuper des choses publiques. Et cela produit une société sous contrôle et une perte de confiance de tout un chacun, analyse la première intervenante. Sur la ZAD, c’est autre chose. »

On découvre aussi l’existence du « Cycle des 12 », pour gérer les conflits sur le site : douze personne sont donc tirées au sort, gardent leur mandat de médiateur pendant un mois et n’interviennent que sur demande. Ou encore « Zad news », qui condense une fois par semaine les avis et idées déposés dans une boîte collective. « On n’a pas de loi sur la ZAD : tout peut se remettre en question à tout moment. Pas de flic, pas de justice, pas de HP donc on essaye de régler tous nos problèmes par nous-mêmes. En espérant que ça se passe bien », résume l’une des zadistes. Le vivre-ensemble s’expérimente au quotidien.

Compte rendu de la conférence « La démocratie directe, une autre forme d’organisation sociale »

Pour vaincre le capitalisme, il faut le comprendre. Réunis autour des interrogations qu’évoquent la démocratie directe, Floréal Roméro, paysan andalou, et Christian Sunt, responsable de publication des « Carnets de la décroissance », ont présenté leurs points de vue sur le municipalisme libertaire et le confédéralisme. Histoire, mémoire sociale et auto-organisation, « il s’agit de remettre en question, de détruire un système, non pas par une révolution, mais en construisant un contre-pouvoir», détaille Floréal Roméro.

D’après Christian Sunt, c’est toute l’organisation sociale qu’il faut repenser : « Il nous faut travailler, débattre, s’interroger sur ce dont nous avons vraiment besoin », et non pas sur « ce qui correspond à une compétition marchande ». La question, il la pose lui-même : « Comment faire la transition ? ». Sans faire de vaines promesses sur la réussite d’un modèle unique, Christian Sunt propose l’expérimentation sociale.

• 12h : Les résistants de Bure lancent un appel à la mobilisation générale

Après l’expulsion violente des occupants de la forêt de Mandres-en-Barrois, les opposants à la « poubelle nucléaire » de Bure (Meuse) invitent « tout le monde » à un sommet résistant les 16 et 17 juillet.

Après l’intervention des gendarmes mobiles, jeudi dernier, les militants en lutte contre le projet Cigeo d’enfouissement des déchets nucléaire français ont trouvé un public très réactif à Notre-Dame-des-Landes. Le mouvement de résistance, qui a trouvé un fort regain de dynamisme avec l’occupation du bois Lejuc, à Mandres-en-Barrois, est l’invité d’honneur du rassemblement estival de Notre-Dame-des-Landes.

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À la tribune, une vingtaine de militants venus en minibus de la Meuse, de la Haute-Marne et des régions limitrophes résument plus de vingt ans d’une résistance opiniâtre à l’implantation de Cigeo sur le site de Bure par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), qui fait la pluie et le beau temps sur place. « Non, il n’y a pas de résignation chez nous, mais des paysans et des citoyens qui tiennent face à une pression “de malade”, clame Johan. L’Andra pensait avoir écrasé toute résistance toute opposition, ils ont été très surpris. Venez-nous soutenir, l’été dans une forêt, c’est un super plan de vacances ! »

• 11h41 : Bure est l’invité d’honneur du rassemblement annuel pour Notre-Dame-des-Landes.

La petite commune devrait accueillir, en 2025, un centre souterrain de stockage afin d’enterrer 80 000 mètres cubes de déchets radioactifs. La délégation de Bure a été reçue sous un tonnerre d’applaudissements :

Cette année, les organisateurs ont choisi la démocratie comme fil rouge des discussions. Un sujet qui parle à tout le monde et qui ravive la motivation de l’assemblée. Surtout que les zones de luttes se multiplient en France, comme à Bure, invité d’honneur de cette édition. Irène prend la parole pour présenter leur combat contre l’enfouissement des déchets nucléaires. « Nous aurions du être beaucoup plus nombreux, mais avec l’expulsion de ces derniers jours, nous avons du nous réorganiser », s’excuse-t-elle.

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Attachée à lier les différentes luttes, Irène raconte comment un paysans de Notre-Dame-des-Landes est venu chez eux pour construire une éolienne. Une preuve de solidarité et de mutualisation des moyens que tous aimeraient multiplier. Et pourquoi pas pour une action judiciaire collective. Gagnée par l’émotion, elle perd le fil de son texte. « On lâche rien Irène, on lâche rien ! », crie un de ses camarades présent sur la scène. Tonnerre d’applaudissements.

LIRE >> Expulsion violente des opposants à la poubelle nucléaire de Bure

LIRE >> Bure : Un « couarail » à la place des déchets nucléaires !

• 10h45 : Le géographe Jean Rivière décrypte le vote du 26 juin dernier en Loire-Atlantique. Bien moins « pro-aéroport » que le prétend le gouvernement.

Un périmètre « plus que discutable », pose en préambule le géographe Jean Rivière : pourquoi les régions Bretagne et Pays-de-la-Loire, qui financeraient l’aéroport n’ont pas été consultées ? Une question « ambiguë » : approuver « le transfert » de l’aéroport de Nantes-Atlantique à Notre-Dame-des-Landes laisse entendre que le premier sera fermé (faux), et puis le projet de futur aéroport n’est jamais précisé. Enfin, une campagne « à armes inégales », tant l’administration pro-aéroport a mobilisé les moyens à sa disposition pour appuyer le « oui ». Jean Rivière, qui précise avoir appelé au « non », détaillait ce matin, au rassemblement estival de Notre-Dame-des-Landes, une analyse géographique instructive du vote.

L’abstention, tout d’abord, qui a atteint 49 %. Plus les électeurs sont proches du site de Notre-Dame-des-Landes, plus elle est faible, et elle culmine, à Nantes, dans les quartiers les plus populaires. « Ce n’est pas une surprise, mais ce n’est jamais relevé », souligne le géographe. Autre constatation : le vote « oui » est fort, en zone rurale du Nord de département, là où le FN et la droite le sont. « Les gens n’ont-ils pas voté d’abord pour l’évacuation de la ZAD, plus que pour l’aéroport ? » Un militant du « non », dans la ville de Châteaubriant le confirme : cette dimension a dominé dans tous les débats auxquels il a participé.

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Jean Rivière est par ailleurs surpris de ne pas constater de « oui » fort au Sud de la Loire, où est implanté Nantes-Atlantique. « Mais ils sont inquiets pour leurs emplois, intervient Dominique Fresneau. On ne leur demande jamais leur avis ! » Pour le co-président de l’Acipa, principale association citoyenne opposée au nouvel aéroport, le gouvernement a inventé cette consultation, dont les biais ont été choisis pour assurer la victoire du « oui », pour brouiller d’un coup tous ses mensonges sur le projet d’aéroport (rentabilité, sécurité pour la ville de Nantes, etc.). « Il se dégage de ses turpitudes d’une pirouette. Nous ne sommes pas dupes ! » Un participant au débat interroge sur le choix tactique des opposants d’avoir participé à la consultation au lieu au lieu de la boycotter. « Et si l’abstention avait atteint 80 %, et le oui 80 %, que croyez-vous que les commentateurs auraient retenu ?, questionne Jean Rivière. Le taux d’abstention est une donnée rapidement marginalisée. »

• 10H30 : Ouverture du rassemblement

Le soleil peine à percer la barrière nuageuse au-dessus de Notre-Dame-des-Landes ce samedi matin. L’herbe du champs de lieu-dit Montjean est déjà foulée par des centaines de personnes venues assister à l’ouverture du rassemblement annuel des opposants au projet d’aéroport.

Sous le chapiteau numéro un, plus une chaise de libre. On s’assoit même à l’extérieur pour écouter les discours. Lorsque les membres de la coordination des opposants montent sur l’estrade, les applaudissements n’en finissent pas. Aucun doute là-dessus : le rassemblement aura encore lieu l’année prochaine. « Réservez votre premier week-end de juillet en 2017 ! Nous serons là », lance l’un des COPAIN 44, le collectif des organisations professionnelles agricoles indignées par l’aéroport Notre-Dame-des-Landes.

Remise en contexte

Le résultat de la consultation n’aura pas réussi à entacher la détermination des opposants au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Organisé ce samedi 9 et dimanche 10 juillet par la Coordination des Opposants – constituée d’associations, de collectifs, de syndicats de et mouvements politiques -, le rassemblement annuel aura bien lieu. Le thème, cette année : la démocratie.

Luttes politiques, sociales et écologiques, désobéissance civile, pouvoirs citoyens, ou réfléchir aux « arnaques » démocratiques, le rassemblement 2016 promet de se faire le lieu de la convergence des luttes, puisque « jamais la démocratie n’a été une exigence plus impérieuse qu’en cette période ». C’est à leurs côtés que nous sommes ce week-end pour vous permettre de suivre les débats, forums et concerts de l’événement, dont voici le programme.

LIRE >> Notre résumé de la deuxième journée de mobilisation

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