Parcoursup et loi ORE : une mauvaise réponse à un vrai problème

Lors d’une conférence de presse, mercredi à Tolbiac, les enseignants mobilisés contre la réforme de l’enseignement supérieur de l’université Paris I ont réclamé l’ouverture de négociations avec le gouvernement et réaffirmé leur soutien aux étudiants en lutte.

Alexandra Scappaticci  • 19 avril 2018 abonné·es
Parcoursup et loi ORE : une mauvaise réponse à un vrai problème
© photo : Alexandra Scappaticci

Toujours en grève, des enseignants de l’université Paris I, accompagnés d’un enseignant de Bordeaux Victoire, ont donné une conférence de presse mercredi 18 avril, pour rendre compte d’une assemblée générale tenue la veille. En cette veille de vacances universitaires, ils restent mobilisés contre la loi ORE « relative à l’orientation et la réussite des étudiants » et la plateforme Parcoursup.

En préambule, ils ont tenu à rappeler leur soutien aux étudiants en lutte :

Ce qui se passe à Tolbiac est le fait d’étudiants extrêmement sérieux, et non pas d’agitateurs politiques qui ne sauraient pas où dormir. Ce n’est pas spécialement agréable tous les jours d’occuper un centre comme celui-ci, c’est donc un acte d’engagement.

Selon Georges Haddad, « visiblement peu au fait de ce qui se passe dans notre université », les étudiants auraient des « comportements agressifs ou hostiles à la démocratie, toutes choses que nous démentons fortement ». Cette mise au point fait suite aux propos du président de l’université, affirmant sur CNews que « _des choses indignes » se passeraient à Tolbiac, qui serait « un vrai capharnaüm » avec au programme « la violence, la drogue, le sexe même » et des « rave parties ».

« Une absence de vision à long terme »

Les enseignants ont ensuite rappelé les raisons de leur mobilisation :

Parcoursup et la loi ORE sont une mauvaise réponse à un vrai problème, celui des places à l’université, qui résulte de l’absence de vision à long terme de la part de nos gouvernants. L’augmentation actuelle du nombre d’étudiants était prévisible après le boom démographique des années 2000. La sélection est contraire à la fonction d’enseignants-chercheurs dont l’objectif est de porter chacun au maximum de ce qu’il peut. L’université doit rester un espace ouvert à tous et nous nous battrons jusqu’au bout pour que ces valeurs-là triomphent.

La plateforme Parcoursup a été mise en place avant même que la loi ORE ne soit votée, ce qui pose selon eux un problème de légalité. Le logiciel présenterait aussi des failles de sécurité quant aux données qu’il exploite. De plus, l’algorithme du logiciel, permettant l’analyse des dossiers, peut être réglé différemment dans chaque université. Il n’y a donc plus d’égalité de traitement au niveau national.

« Cette loi va de pair avec la réforme du lycée que le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, est en train de préparer. Cette réforme individualise les parcours au sein du lycée, alors même que l’on sait que ces processus d’individualisation sont défavorables aux élèves les plus fragiles et les moins bien dotés socialement. Ça va mettre les lycéens dans une dynamique néfaste à l‘apprentissage et à la construction de la personne humaine, de la citoyenneté. Parcoursup introduit la compétition et la sélection comme une norme. Bien sûr, c’est une loi d’ajustement budgétaire, mais c’est aussi une loi qui porte en elle une idée de la société contre laquelle nous, universitaires, avons vocation à nous battre », ont-ils affirmé.

La surdité du ministère est responsable du blocage

Dans les conditions actuelles, les enseignants peinent également à comprendre la logique de maintien à tout prix des partiels, réclamé par la ministre.

Une partie des examens prévus au cours de la semaine à Paris I a finalement du être annulée pour des questions « d’illégalité de procédure : convocations envoyées trop tard, étudiants convoqués à la suite dans des centres éloignés les uns des autres, absence de prise en compte des étudiants en situation de handicap, salles trop petites, CRS bloquant le passage ».

Enfin, les enseignants mobilisés de Paris I, comme ceux d’autres universités en France, ne se sentent plus représentés par leur président et leur vice-président, qui, « dans une forme d’autoritarisme, se comportent comme des fonctionnaires zélés alors même qu’ils sont censés représenter l’intérêt général ». Au-delà, « la situation de blocage et d’occupation dans les universités est liée à la surdité du ministère, qui est responsable de la situation actuelle. » Ils réclament donc l’ouverture de négociations, et au minimum le retrait de Parcoursup.

Six présidents d’université (Rouen-Normandie, Rennes II, Lyon II, Le Mans, Poitiers, et Bordeaux Montaigne) ont, dans une tribune en date du 18 avril, présenté une requête identique.

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