À Paris, les syndicats de police se mobilisent : les contre-manifestants aussi

Ce lundi 2 mai, à Paris, s’est tenue une manifestation de policiers venus soutenir leurs collègues mis en examen après la mort de deux personnes le 24 avril dernier. En marge de ce rassemblement, familles de victimes et militants ont organisé une contre-manifestation, rapidement muselée par les forces de l’ordre.

Louis Heinrich  • 2 mai 2022
Partager :
À Paris, les syndicats de police se mobilisent : les contre-manifestants aussi
© Louis Heinrich

Une estrade. Des ballons de syndicats. Des journalistes partout. Et une sono qui diffuse une playlist de musiques actuelles. On se croirait un 1er mai. Sauf qu’en ce lundi 2, ce sont les policiers qui investissent la place Saint-Michel, à Paris. À l’appel du syndicat d’extrême-droite Alliance, ils sont ici pour protester contre la mise en examen de leur collègue ayant abattu deux personnes sur le Pont-Neuf au soir du second tour de l’élection présidentielle, le 24 avril. Olivier Varlet, le secrétaire général de l’UNSA Police, parle d’une « incompréhension totale » et préconise la « présomption de légitime défense et des magistrats spécialisés » dans le domaine de l’usage d’armes à feu. Une proposition qui figurait dans les programmes de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour.

« Se dresser pacifiquement »

C’est précisément pour dénoncer ces revendications qu’une contre-manifestation se déroule à quelques mètres de là. Mais la cinquantaine de personnes présentes ont à peine le temps de scander quelques slogans qu’au moins autant d’uniformes les chassent et les encerclent. « C’est toujours pareil. Ils nous entourent, nous bousculent, nous frappent un peu. Je ne sais pas si c’est très légal, mais je vais m’en remettre. Ce n’est pas ça qui va nous arrêter », assure Nadia, du collectif Vérité pour Souheil, prise au piège dans la nasse. Pour cet autre manifestant, qui se fait appeler « Le S », il est nécessaire de « se dresser pacifiquement et politiquement, leur dire qu’ils doivent arrêter leur racisme, leur violence. Et de nier l’état de droit ». Et d’ajouter que les policiers « n’ont pas à s’extraire du processus judiciaire ».

135 € d’amende

Ce que pointent les militants encerclés, c’est aussi l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure (depuis 2017, les policiers sont autorisés à faire usage de leurs armes dans les mêmes conditions que les gendarmes) : « Depuis la modification de la loi, on observe une nette augmentation des violences à la suite de contrôles routiers. Les policiers n’hésitent pas à tirer sur une voiture qui fait marche arrière », dénonce Amal Bentounsi, dont le frère a été tué par un policier en 2012 (lire ici et ).

Après une demi-heure d’encerclement, les manifestants sont exfiltrés un à un de la nasse. Suit un contrôle d’identité. À la clé, une amende de 135 € pour ne pas avoir déclaré le rassemblement : « Certes, on n’a pas les mêmes idées qu’Alliance. Mais on a répondu à leur appel. On nous en a empêché, mais on voulait se joindre à leur manifestation qui est tout à fait légale ! », ironise une militante.

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Terrorisme d’extrême droite : la mémoire lacunaire des prévenus d’AFO
Extrême droite 13 juin 2025 abonné·es

Terrorisme d’extrême droite : la mémoire lacunaire des prévenus d’AFO

Malgré une procédure d’instruction établissant les projets violents de ce groupe visant la communauté musulmane, les premiers prévenus ont affirmé n’avoir jamais cru aux projets d’attentats, ou de ne pas en avoir eu connaissance. Une forme de légèreté dérangeante.
Par Pauline Migevant
Génocide dans la bande de Gaza : le temps de la justice
Justice 11 juin 2025 abonné·es

Génocide dans la bande de Gaza : le temps de la justice

Ces derniers jours, une Française a déposé plainte contre Israël, et une information judiciaire a également été ouverte par le parquet national antiterroriste contre des Franco-Israéliens. Ces procédures ne stopperont pas le génocide en cours mais elles participent à briser un lourd silence.
Par Céline Martelet
Guyane : l’interminable attente des réfugiés haïtiens
Enquête 11 juin 2025 abonné·es

Guyane : l’interminable attente des réfugiés haïtiens

À Cayenne, des ressortissants d’Haïti fuient l’effondrement de leur pays. Face à des délais de traitement de leur dossier démesurés, leurs demandes d’asile et leurs vies sont suspendues à une administration débordée.
Par Tristan Dereuddre
Claire Hédon : « En Guyane, le droit d’asile n’est pas respecté »
Entretien 11 juin 2025 abonné·es

Claire Hédon : « En Guyane, le droit d’asile n’est pas respecté »

Dans la région d’outre-mer, les demandeurs d’asile attendent jusqu’à deux ans pour accéder à un simple rendez-vous en préfecture, légalement censé être obtenu sous trois jours. La Défenseure des droits, Claire Hédon, dénonce des atteintes aux droits fondamentaux et appelle les acteurs locaux à saisir son institution.
Par Tristan Dereuddre