Rétablir une assurance-chômage protectrice

Dans les débats parlementaires qui débutent, la gauche tentera d’opposer une vision alternative crédible au projet du gouvernement.

Michel Soudais  • 28 septembre 2022 abonné·es
Rétablir une assurance-chômage protectrice
© Photo : Xose Bouzas / Hans Lucas via AFP.

La ritournelle est grossière. « Les oppositions ne proposent rien », répètent à tout bout de champ le gouvernement et ses soutiens. Contre toute réalité. Gageons qu’ils l’entonneront à nouveau à l’occasion de l’examen par l’Assemblée nationale du « projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein-emploi ».

Et notamment à propos du premier des cinq articles de ce texte qui engage l’avenir de l’assurance-chômage au-delà du 1er novembre. Le sujet est d’importance : il s’agit de ne pas laisser les demandeurs d’emploi se retrouver sans indemnisation. Et cet article concentre à lui seul 152 des 211 amendements déposés, dont 80 % en provenance des groupes de la Nupes.

Par ce biais, la gauche et les écologistes visent autant à rejeter la mainmise du gouvernement sur la gestion de l’assurance-chômage, au mépris du paritarisme qui la gouvernait jusqu’à la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » de 2018, que la prolongation « au plus tard jusqu’au 31 décembre 2023 » de la réforme Macron-Pénicaud de 2019 qui a déjà drastiquement réduit les droits à l’assurance chômage pour les salariés.

Les insoumis, les socialistes, les écologistes et les communistes devaient ainsi demander mardi, à l’ouverture de l’examen du texte en commission, la suppression de l’article 1 qui autorise le gouvernement à déterminer par décret, à compter du 1er novembre, le régime d’indemnisation des chômeurs.

Modulation de durée d’indemnisation

Particulièrement flou dans sa rédaction, cet article fait craindre que le gouvernement ne se contente pas de proroger les règles actuelles. Plusieurs amendements visent donc à encadrer ce pouvoir réglementaire et empêcher notamment qu’il aboutisse à « une réduction du montant de l’indemnisation des chercheurs d’emploi ». À l’initiative de La France insoumise (LFI), l’un d’entre eux propose d’« empêcher que le décret puisse introduire une modulation de la durée d’indemnisation en fonction de la conjoncture économique », comme Emmanuel Macron l’envisage.

On va avoir des variations de droits qui ne seront pas liées du tout à l’état de la conjoncture ou du secteur des salariés, mais à celui des voisins.

La gauche, à l’instar des syndicats, rejette catégoriquement son projet d’introduire des règles d’indemnisation contracycliques. Avec des droits modulés en fonction du taux de chômage, « les professions majoritaires imposeront leur dynamique économique aux professions minoritaires », alerte le député (LFI) Hadrien Clouet. « On va avoir des variations de droits qui ne seront pas liées du tout à l’état de la conjoncture ou du secteur des salariés, mais à celui des voisins », prédit-il. Ce serait la fin de la solidarité interprofessionnelle, à la base du système de l’assurance-chômage.

Même si les procédures législatives limitent singulièrement les possibilités de faire valoir un modèle alternatif, plusieurs amendements tentent d’en poser des jalons. Quatre députés PS réclament que le gouvernement présente « trois mois après la promulgation de [sa] loi, un rapport faisant des propositions pour rendre l’assurance-chômage universelle, dotée de financements propres, négociée uniquement par les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives ».

Réduire le temps de travail pour mieux le partager

Ce rapport, possiblement débattu ensuite par les parlementaires, précisent-ils, devrait faire « des propositions pour ouvrir l’assurance-chômage aux travailleurs des plateformes numériques et élargir son accès aux travailleurs démissionnaires et aux travailleurs indépendants ». Une telle « assurance-chômage universelle » figurait au programme présidentiel d’Anne Hidalgo.

Les députés communistes proposent de mettre en place un malus véritablement dissuasif à l’encontre des employeurs qui recourent de manière abusive aux contrats précaires. Une disposition conforme au programme de la Nupes, qui réaffirme comme forme normale et générale de travail le contrat à durée indéterminée (CDI) et envisage un « quota maximal de contrats précaires dans les entreprises : 10 % pour les petites et moyennes entreprises (PME), 5 % pour les grandes entreprises ».

N’en déplaise à Fabien Roussel, toutes les formations de la Nupes étaient d’accord pour « garantir un emploi stable pour chacun », réduire le temps de travail pour mieux le partager. Et si elles s’engageaient à « rétablir une assurance-chômage protectrice » via diverses mesures, ce n’était pas par inclination pour « l’assistance », mais pour affirmer l’ambition de créer une « sécurité sociale professionnelle » tout au long de la vie. L’intergroupe de la Nupes, réuni en séminaire au moment de notre bouclage, prévoyait de présenter dans le courant de la semaine prochaine son contre-projet alternatif.

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