« Nos Frangins » de Rachid Bouchareb : se souvenir de Malik Oussekine 

Le réalisateur fait œuvre de devoir de mémoire en racontant le meurtre du jeune homme par la police, survenu en 1986. Un film efficace, parfois trop démonstratif.

Christophe Kantcheff  • 7 décembre 2022 abonné·es
« Nos Frangins » de Rachid Bouchareb : se souvenir de Malik Oussekine 
Le film efficace était compétition officielle à Cannes en 2022.
© Le pacte / Wild Bunch

Après la série réalisée par Antoine Chevrollier et diffusée en mai sur Disney+, voici, pour le cinéma, Nos Frangins, de Rachid Bouchareb, qui revient sur l’assassinat de Malik Oussekine. Deux œuvres « devoir de mémoire », nécessaires parce que, derrière des noms emblématiques dont certains peuvent rester – et celui d’Oussekine demeure –, les récits se perdent s’ils ne sont pas transmis auprès des nouvelles générations. La comédienne qui interprète le rôle de la sœur de Malik, Lyna Khoudri, a ainsi reconnu qu’elle ignorait auparavant ce drame.

Nos Frangins / Rachid Bouchareb / 1 h 32

Voilà donc la première qualité du film de Bouchareb. Rappeler ce meurtre commis par des policiers dits « voltigeurs » (les ancêtres des Brav-M, créées pour affronter les gilets jaunes) parce que se déplaçant à moto, sur fond de manifestations étudiantes et lycéennes dans la nuit du 6 au 7 décembre 1986. Les circonstances de la mort du jeune homme sont détaillées, ses derniers instants et la violence qui s’est abattue sur lui servant de fil rouge.

Le cinéaste parvient à rendre palpables les mensonges de la hiérarchie policière et des politiques.

Le cinéaste parvient aussi à rendre palpables les mensonges de la hiérarchie policière et des politiques. Il utilise pour cela nombre d’archives, en particulier les JT de l’époque, qui accroissent la dimension réaliste et documentaire. Les dénégations de Jacques Chirac et de Charles Pasqua relèvent de la farce tragique, tandis que le réalisateur a tenu à distinguer la parole de François Mitterrand, dont on ne sait, comme souvent, si elle est pur opportunisme (c’était une période de cohabitation) ou sincèrement humaniste.

Rachid Bouchareb est moins convaincant lorsqu’il oppose deux familles, celle de Malik Oussekine, suffisamment éduquée pour se défendre (le frère aîné, incarné par Reda Kateb, lance aux policiers : « Je connais mes droits ! »), et celle d’Abdel Benyahia, tué lui aussi la même nuit en banlieue parisienne par un policier dans d’autres circonstances.

Le père d’Abdel, joué par un Samir Guesmi continuellement hagard, est censé représenter une génération d’immigrés maghrébins plus ancienne, ayant tout subi en courbant l’échine. La caricature affleure, dénoncée par ailleurs par la vraie famille d’Abdel dans une récente lettre ouverte. C’était le risque en voulant traiter trop de sujets : être démonstratif et perdre en subtilité.

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Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes