Quel pacte de stabilité ?

Le Pacte européen de stabilité et de croissance doit être réactivé, avec des libertés étatiques de mener des politiques anticycliques. L’Allemagne est contre. Le Conseil de mai sera-t-il le théâtre d’un bras de fer salutaire contre l’intransigeance d’outre-Rhin ?

Liêm Hoang-Ngoc  • 26 avril 2023
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Quel pacte de stabilité ?
La banque centrale européenne, à Francfort.
© Mika Baumeister / Unsplash.

Le pacte de stabilité et de croissance (PSC) a été suspendu jusqu’en décembre 2023, à la suite de la crise sanitaire et de la crise ukrainienne. En vue de sa réactivation, le Conseil des ministres des finances de l’Union européenne du 14 mars devait entériner les propositions faites par Commission pour mieux tenir compte des spécificités nationales et permettre aux États d’engager les investissements publics nécessaires à la transition écologique et numérique.

Le texte approuvé par le Conseil préserve les fétiches de 3 % de déficit public et de 60 % de taux d’endettement, auxquels sont attachés l’Allemagne et les Pays-Bas. Il indique que les règles inhérentes aux procédures de déficit excessif seront renforcées et que le principe de sanctions financières restera présent. Il n’en octroie pas moins des degrés de liberté non négligeables aux États.

Le calcul des déficits publics serait désormais réalisé en tenant compte du solde primaire. Celui-ci exclut du solde public les charges d’intérêt de la dette publique (entre 30 et 50 milliards d’euros par an), ainsi que le déficit de l’assurance-chômage, ce qui permet de laisser jouer les « stabilisateurs automatiques » en phase de ralentissement économique pour soutenir la reprise.

L’Allemagne ne veut pas que le rythme de réduction des dettes puisse être ‘laissé à l’appréciation de chacun’.

En outre, les pays en déficit excessif disposeraient de quatre ans pour revenir dans les clous. Trois ans supplémentaires seraient accordés pour engager les investissements nécessaires à la transition numérique et écologique. Enfin, une clause dérogatoire par pays (venant s’ajouter à celle prévalant actuellement pour l’ensemble de la zone euro) permettrait, en cas de circonstances exceptionnelles, de déroger aux règles du PSC. Il serait par conséquent possible de mener des politiques anticycliques, comme le recommandent les keynésiens.

Telle est précisément la crainte du ministre des Finances libéral allemand, Christian Lindner, qui estime qu’une trop grande flexibilité est accordée aux pays endettés. Il avertit que l’Allemagne souhaite en rester à l’énoncé de règles précises, afin que le rythme de réduction des dettes ne puisse être « laissé à l’appréciation de chacun ».

Le Conseil a donc ajouté que : 1) « le réexamen de la gouvernance économique doit se poursuivre avant et après toute proposition législative » et que des « éclaircissements et discussions supplémentaires sont nécessaires », 2) le PSC révisé doit être compatible avec le traité budgétaire et le droit de l’UE.

Le Conseil de mai doit donner le feu vert pour une prochaine proposition législative. Sera-t-il le théâtre d’un bras de fer salutaire contre l’intransigeance allemande ? Il faudrait pour cela que la France allume un contre-feu. Son exécutif est malheureusement occupé à éteindre un autre incendie, celui qu’il a lui-même provoqué au nom de l’orthodoxie budgétaire, en recherchant des économies sur les retraites pour compenser la nouvelle baisse de 10 milliards des impôts de production promise à l’Association française des entreprises privées.

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