Drones : le Conseil d’État renvoie la balle à la société civile

Le Conseil d’État a validé le décret du gouvernement sur l’utilisation des drones renvoyant la balle à la société civile, chargée d’attaquer systématiquement les arrêtés préfectoraux pour s’assurer de sa légalité. Une mission impossible… qui s’est vérifiée dès le lendemain.

Nadia Sweeny  • 26 mai 2023
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Drones : le Conseil d’État renvoie la balle à la société civile
© Yitzhak Rodriguez / Unsplash.

L’enchaînement de décisions fait un peu tache. La première émane du Conseil d’État. Mercredi 24 mai, il a rejeté le recours d’urgence déposé par les défenseurs des libertés publiques contre le décret ministériel d’utilisation des drones. Pour la Ligue des droits de l’homme, l’Association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico), le Syndicat des avocats de France et la Quadrature du Net, ce décret du gouvernement ne cadre pas suffisamment l’utilisation de ces drones et notamment la gestion des informations recueillies. Pascale Léglise, directrice des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l’Intérieur, a rétorqué que cette exigence devait se faire via les arrêtés préfectoraux instaurant un cadre précis, momentané et justifié pour l’utilisation des caméras apposées sur ces aéronefs.

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Par conséquent, la vérification de la légalité de l’utilisation des drones par les autorités ne peut être faite que département par département, arrêté préfectoral par arrêté préfectoral, par le juge des référés du tribunal administratif. Mais pour que celui-ci se prononce, l’arrêté doit être attaqué par des requérants. « La conformité de chaque autorisation préfectorale à ces dispositions peut-être contestée devant le juge administratif, y compris en lui demandant en urgence la suspension de cette autorisation », prétend le Conseil d’Etat qui a donc rappelé qu’à cet égard, « les autorisations doivent être publiées (…) dans un délai permettant un accès utile au juge. »

Impossible de contester

Or, dans la foulée, une décision préfectorale est venue contredire le Conseil d’État. Le soir même, dans le cadre de la visite d’Emmanuel Macron pour rendre hommage à trois policiers de Roubaix décédés le week-end précédent, la préfecture du Nord publie un arrêté d’utilisation des drones. Publié le soir, pour une entrée en vigueur le lendemain matin. Résultat : impossible de contester et de vérifier en urgence la légalité de cette décision. Le tout, en contradiction avec ce qu’affirme le Conseil d’État.

Contactée, la préfecture du Nord indique que « la mesure a été prise et publiée le jour même où nous avons appris la présence du président de la République ». Sans pouvoir préciser s’ils ont été informés le matin ou l’après-midi. Or, dès le 22 mai, Gérald Darmanin prévoyait une cérémonie « en fin de semaine », sans définir le jour. « Le préfet du Nord progresse : pour la venue de Macron à Dunkerque, il avait publié 2 heures après son entrée en vigueur » a raillé, sur les réseaux sociaux, Serge Slama, professeur de droit public à l’université de Grenoble et membre de l’Adelico.

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