Satisfaire M. Wauquiez

L’objectivité commande de reconnaître les efforts droitiers des hebdomadaires du groupe Bolloré, Paris Match et LeJournal du dimanche, tels le récent tapis rouge déroulé par ce dernier à Laurent Wauquiez, « champion putatif de la droite pour 2027  ».

Sébastien Fontenelle  • 31 mai 2023
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Satisfaire M. Wauquiez
Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, lors de la campagne présidentielle des Républicains, le 9 février 2022.
© Photo by Ludovic MARIN / AFP.

On entend parfois dire que les chaînes de télévision du groupe Bolloré penchent assez peu vers la gauche, et ce n’est pas forcément faux ; mais l’objectivité commande de reconnaître que ce n’est pas très juste pour les hebdomadaires du groupe Bolloré – Le Journal du dimanche (also known as Le JDD) et Paris Match –, dont les efforts droitiers devraient aussi être reconnus pour ce qu’ils sont.

Le dimanche 21 mai dernier, par exemple, Le JDD avait offert sa une et un long entretien à MM. Ciotti, Marleix & Retailleau, chefs et sous-chefs des Républicains (auch bekannt als LR). Lesquels en avaient profité pour « dévoiler » le « projet de leur parti sur l’immigration ». Lequel se résumait, pour l’essentiel, et selon le commentaire d’un député du Rassemblement national (RN), qui dans ces matières sait a priori de quoi il parle, à « un copié-collé quasi mot pour mot des propositions de Marine Le Pen ».

Sur le même sujet : L’inquiétante lepénisation de LR

Et voilà que huit jours plus tard – ce dimanche 28 mai 2023, donc – Le JDD, poursuivant sa mission, offre sa une et un long entretien à Laurent Wauquiez, président (LR) de la région Auvergne-Rhône-Alpes et, je cite, « champion putatif de la droite pour 2027 ».

Celui-ci s’est, on le sait, notamment fait connaître en dénonçant ce qu’il appelle « le cancer de l’assistanat » – avant d’organiser, pour des convives trié·es, mais aux frais de la collectivité, de fastueux « dîners des sommets » : le dernier en date, au mois de juin 2022, a coûté la coquette somme de 100 000 euros d’argent public et fait désormais l’objet d’une enquête judiciaire, comme l’a révélé Mediapart.

Doit-on vraiment s’encombrer de trop d’exactitude quand cette dernière va trop contre la satisfaction de M. Wauquiez ?

Et ce renversement quelque peu sidérant de la réalité (où l’élu qui vient donc de supprimer des aides favorisant la création culturelle se pose sans rire en contempteur de la censure culturelle) ravit positivement le directeur général de la rédaction de l’hebdomadaire – l’inénarrable Jérôme Béglé.

Plus récemment, Wauquiez s’est illustré en réduisant drastiquement les subventions culturelles accordées par sa région à des institutions situées à Clermont-Ferrand, à Grenoble ou à Lyon – villes qui ont en commun d’être dirigées par ses adversaires politiques. Moyennant quoi, il lance, dans Le JDD, cette accusation tout orwellienne : « Il y a une censure culturelle ! »

Celui-ci, dans un éditorial selon sa manière (qui n’encourt donc pas le reproche d’être excessivement pénétrant), célèbre d’abord « la contre-offensive antiwoke » menée aux États-Unis par le gouverneur de la Floride – l’extrémiste de droite Ron DeSantis. Puis – citant, un peu pédant, Maurice Druon –, il se félicite de ce qu’enfin Laurent Wauquiez s’en prenne aux « gens qui viennent à la porte » du ministère de la Culture « avec une sébile dans une main et un cocktail Molotov dans l’autre ».

Dans la vraie vie, bien sûr, personne, parmi les bénéficiaires des subventions culturelles de la région Auvergne-Rhône-Alpes, n’a jamais voulu brûler ce ministère. Mais doit-on vraiment s’encombrer de trop d’exactitude, quand cette dernière va trop contre la satisfaction de M. Wauquiez ?

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Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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