Knut Hamsun, l’appétit d’écrire

Dans La Faim, publié en 1890, le norvégien Knut Hamsun mettait en scène un personnage errant autant physiquement que psychiquement.

Christophe Kantcheff  • 22 novembre 2023 abonné·es
Knut Hamsun, l’appétit d’écrire
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J’avais si faim que mes boyaux se nouaient dans mon ventre comme des serpents et il n’était écrit nulle part que j’aurais un peu à manger avant la fin de la journée. À mesure que le temps passait je devenais de plus en plus vermoulu physiquement et moralement, je me laissais aller à des actions de jour en jour moins honnêtes. […] Tout cela sans regret, sans remords de conscience. Des taches de putréfaction commençaient à apparaître dans mon être intime, des moisissures noirâtres qui s’étendaient de plus en plus. » Cet extrait de La Faim (ou Faim dans ses nouvelles traductions) montre à quel point son auteur lie ces deux souffrances : physique, par manque d’alimentation, et existentielle. C’est là l’une des marques de ce grand roman publié en 1890 par le Norvégien Knut Hamsun, prix Nobel de littérature en 1920.

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La Faim, Knut Hamsun, traduit du norvégien par Georges Sautreau (1926), Paris, Le Livre de Poche, coll. « Biblio ». Ou : Faim, traduction de Régis Boyer (1994), Paris, PUF, coll. « Quadrige ».

Son personnage, aspirant écrivain misérable, erre dans les rues de Christiana (le nom d’Oslo de 1624 à 1924). De caractère changeant, entre sautes d’humeur et actes irrationnels, il s’inflige autant qu’il subit sa déréliction. Narrateur du roman, le personnage décrit lui-même sa marginalité, le lecteur assistant sans filtre aux effets de celle-ci sur son psychisme. La Faim n’est donc pas seulement un roman naturaliste. C’est aussi un texte ouvrant un monologue intérieur sinuant dans des états limites, exactement comme le fera plus tard Franz Kafka et même James Joyce dans Ulysse. Autant dire que La Faim a grandement ouvert la voie à la modernité littéraire.

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Littérature
Publié dans le dossier
Manger à sa faim
Temps de lecture : 1 minute