Grand Paris Express : comment Vinci invisibilise un mort au travail

Selon nos informations, une plaque commémorative va être posée en hommage à Maxime Wagner, premier mort au travail sur un chantier du Grand Paris Express… en plein milieu d’un tunnel et sans la famille.

Pierre Jequier-Zalc  • 12 décembre 2023
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Grand Paris Express : comment Vinci invisibilise un mort au travail
Un des chantiers du Grand Paris Express, en mai 2023.
© Pierre Jequier-Zalc

« Cachez ce mort que je ne saurais voir ». Après deux morts coup sur coup au printemps dernier, on pensait que tous les intervenants sur les chantiers du Grand Paris Express avaient pris le problème des accidents de travail à bras-le-corps. La Société du Grand Paris (SGP), la maîtrise d’ouvrage de ces travaux pharaoniques avait, en effet, fait son mea culpa devant les médias mi-mai 2023, annonçant en grande pompe renforcer les mesures de sécurité. « Chaque accident mortel endeuille l’ensemble de la Société du Grand Paris », avait ainsi déclaré Bernard Cathelain, membre du directoire de la SGP.

De son côté, Dodin Campenon-Bernard, filiale du groupe Vinci, a accepté sans faire appel, sa condamnation exemplaire pour la mort de Maxime Wagner, un intérimaire victime d’un accident du travail sur le chantier de la ligne 14, en février 2020. L’entreprise a été condamnée à 250 000 euros d’amende, un fait rarissime pour un accident du travail, pour homicide involontaire dans le cadre du travail. Elle a également signé un accord à l’amiable avec une partie de la famille de la victime sur les intérêts civils.

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D’un point de vue judiciaire, l’affaire était donc close. Restait une demande ancienne de la famille : celle de la mémoire, notamment via l’apposition d’une plaque commémorative. Une demande qu’elle voulait même intégrer dans l’accord à l’amiable avec l’entreprise. Cela a-t-il été le cas dans la version finale signée par les deux parties ? Pour cause de confidentialité, les membres de la famille signataires de cet accord n’ont pas souhaité nous répondre.

Ce qui est certain, c’est que la société Dodin Campenon-Bernard s’est activée depuis l’été sur ce sujet. « La Société du Grand Paris a été informée à la fin de l’été de cette initiative de l’entreprise Dodin Campenon Bernard mais n’a pas été directement associée à son organisation », assure la SGP. Selon nos informations, un accord a été trouvé entre la RATP, comaître d’ouvrage et le groupe Vinci, à l’initiative dans ce projet, pour la pose de cette plaque dès ce mardi 12 décembre, en catimini.

Les personnes qui prendront le métro ne sauront jamais que Maxime est mort en le construisant ! 

Aurène, compagne de Maxime

C’est quand on se penche sur les détails que l’affaire se gâte. Le lieu choisi pour la pose de cette plaque est celui de l’accident. C’est-à-dire vers Villejuif, en plein milieu du tunnel prolongeant la ligne 14 jusqu’à Orly. Et, de fait, pas en station. « La famille a sollicité notre entreprise pour que soit apposée une plaque commémorative au plus près de l’accident. », affirme Dodin Campenon-Bernard. Une affirmation que conteste fermement Aurène, compagne de Maxime Wagner lors de l’accident, et mère d’une de ses filles.

La famille pas invitée

« Je pensais pouvoir emmener mes filles voir cette plaque quand elles seront plus grandes. Mais si elle est au milieu de nulle part, dans un tunnel tout noir et inaccessible, ça n’a aucun sens », s’indigne-t-elle. « Et puis, personne ne pourra la voir. Les personnes qui prendront le métro ne sauront jamais que Maxime est mort en le construisant ! » Elle affirme que d’autres membres de la famille pensent comme elle. Pis, elle n’a même pas été prévenue de la pose de cette plaque. « C’est ma belle-sœur qui m’a avertie. Elle n’avait même pas été informée officiellement ! C’est quelqu’un de la famille éloignée qui travaille à la RATP qui lui a dit. Il n’y a eu aucune démarche officielle pour nous prévenir », affirme-t-elle.

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Aurène, comme le reste de la famille, n’a pas non plus été invitée pour la pose de la plaque commémorative. Selon nos informations, des raisons de sécurité sont invoquées pour ne pas faire descendre la famille en plein milieu du tunnel. C’est dire si le site retenu est accessible et visible ! « Les conditions opérationnelles du chantier ne permettaient pas d’organiser une cérémonie associée à la pose de la plaque », répondent simplement Dodin Campenon-Bernard et la RATP.

Pourtant, du côté de la Société du Grand Paris, on ne ferme pas la porte à des initiatives plus visibles.  « En cas de demande des familles, la Société du Grand Paris répondra positivement sur le principe d’une initiative mémorielle ‘en station’ et organisera, en lien avec elles, le dispositif concerné ainsi que les modalités de sa mise en œuvre ». Une manière de s’étonner, à demi-mot, de cette invisibilisation mémorielle par le groupe Vinci.

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