Les intentions de Darmanin

Lorsqu’il s’en prend à la gauche, M. Darmanin s’en prend exclusivement à la gauche. Mais lorsqu’il s’en prend – actualité oblige – à l’extrême droite, il ne peut pas s’empêcher d’incriminer aussi la gauche. Ce qui en dit long sur lui.

Sébastien Fontenelle  • 5 décembre 2023
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Les intentions de Darmanin
Gérald Darmanin, lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale française, le 17 octobre 2023.
© JULIEN DE ROSA / AFP

L’on aura noté que lorsque M. Darmanin, ministre de l’Intérieur de M. Macron, s’adonne à l’un de ses passe-temps préférés, qui est d’intenter contre ce qu’il appelle « l’extrême gauche » d’extravagants (et nauséeux) procès, il n’établit jamais aucun parallèle avec l’extrême droite – qui a bien sûr tout à gagner à cette pusillanimité. Au mois de mars dernier, par exemple, ce véhément personnage avait, on se le rappelle, lancé quelques (très) graves accusations contre les militant·es écologistes opposé·es à la construction de la mégabassine de Sainte-Soline, qualifié·es par lui d’« écoterroristes » – puis contre la gauche en général, dont il avait, suivant la même inspiration, fustigé ce qu’il appelait le « terrorisme intellectuel ». 

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Dans la réalité, qui n’a donc qu’un très lointain rapport avec les proférations de ce féroce ministre, les services compétents – also known as le renseignement policier – répètent depuis des années que la principale menace terroriste intérieure vient, en France, comme aux États-Unis et dans la plupart des pays d’Europe, non pas (du tout) de la gauche, mais bien de l’extrême droite.

L’activisme violent de l’extrême droite devient si voyant que même M. Darmanin ne peut plus continuer à faire comme s’il n’existait pas.

Et depuis peu, l’activisme violent de cette extrême droite devient si voyant que même M. Darmanin ne peut plus continuer à faire comme s’il n’existait pas. Il s’est donc décidé, après que plusieurs dizaines de néofascistes cagoulés et armés ont organisé une expédition punitive à Romans-sur-Isère (Drôme), à dire quelques mots pour promettre qu’il n’abandonnerait pas les rues de France et de Navarre à cette « ultradroite » – un mot qu’il semble affectionner, peut-être parce qu’il présente l’incontestable avantage qu’il permet, en suggérant qu’il y aurait encore plus radical qu’elle, de décaler l’extrême droite vers la gauche de l’échiquier politique sans avoir l’air d’y toucher.

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Mais là, curieusement, le ministre de l’Intérieur s’est senti obligé de préciser qu’il ferait preuve de la même sévérité pour, je cite, l’« ultragauche » – laquelle, pour autant qu’on devine ce que désigne un tel vocable dans l’esprit de M. Darmanin, n’était pourtant pas en cause, et n’organise pas, que l’on sache, d’expéditions pour « en découdre » avec les habitants des cités de la Drôme, et d’ailleurs.

Pour résumer : lorsqu’il s’en prend à la gauche, M. Darmanin s’en prend exclusivement à la gauche – avec une virulence qui ressemble d’assez près à un grave déportement, lorsqu’il l’accuse par exemple d’être « terroriste » – et ne dit rien d’une extrême droite dont il sait pourtant que son activisme inquiète ses propres services. Mais lorsqu’il s’en prend – contraint par une actualité qui ne lui permet plus de passer sa dangerosité sous silence – à l’extrême droite, il ne peut pas s’empêcher, au passage, d’incriminer aussi la gauche, en suggérant faussement qu’elle ne serait pas moins dangereuse.

Je te laisse réfléchir à ce que ça nous dit des intentions de M. Darmanin ?



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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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